La proposition était simple : proposer à une quarantaine d'artistes une sélection des unes les plus fortes ou les plus marquantes de Libération pour qu'ils s'en emparent. Puis vendre ces œuvres aux enchères au profit de Reporters sans frontières. Trente-sept créateurs ont répondu à cette invitation et, mardi soir, la maison de ventes Millon a procédé à la dispersion de ce fonds atypique. Résultat : 65 000 euros pour RSF.
L'opération a bien failli ne pas avoir lieu du tout. Artcurial devait y procéder quand l'ambassade d'Israël a fait savoir qu'elle ne voulait pas voir en vente la création d'Ernest Pignon Ernest. Cet auteur avait choisi la une consacrée à la mort d'Arafat et y avait greffé un portrait de l'opposant palestinien Marouane Barghouti emprisonné en Israël. Il y avait ajouté un commentaire le comparant à Mandela. Face à cette protestation, Artcurial décidait de retirer l'œuvre de la vente. Et Libération décidait d'annuler toute la vente. Censurer une œuvre destinée à défendre la liberté de la presse ? Juste impossible.
Surprise de la soirée
La maison Millon a repris le flambeau et assuré ces enchères au «prix marteau», c'est-à-dire sans commission supplémentaire. Surprise de la soirée : Ernest Pignon Ernest était venu. Il a résumé son travail avec cette phrase : «J'ai fait ce portrait de Marouane Barghouti qui sera probablement un jour l'interlocuteur d'Israël.» L'œuvre polémique est partie à 5 000 euros.
On ne sait ce qui, du sujet de la une ou du signataire de sa réinterprétation, l’emportait dans le choix des enchérisseurs. Publiée le dimanche 15 novembre 2015, au lendemain des attentats, la une noire et sans titre revisitée par André est partie pour 4 000 euros tandis que celle du 14 novembre titrée «Carnage à Paris», travaillée par Robert Combas, a été acquise pour 23 000 euros. Le record de la vente.
Juste derrière, la une consacrée au premier anniversaire de Fukushima sur laquelle Invader a superposé le personnage de mangas Astroboy, a été achetée pour 16 000 euros. Mais la une titrée «Survivre», publiée juste après la catastrophe et refaite par Gris1, n’aura été acquise que pour 2 200 euros. L’émotion et les cotes ne suivent pas forcément les mêmes courbes.