Pour les patrons, la deuxième version du projet de loi El Khomri, n'est «pas acceptable en l'état». Tel est le message que sept organisations patronales dont le Medef, la CGPME et l'Association des grandes entreprises privées (Afep) ont envoyé à Matignon, deux jours avant la présentation, ce jeudi, du texte en Conseil des ministres. Pour toutes, le projet de loi «dont l'équilibre a été considérablement dégradé» doit «absolument être enrichi lors du débat parlementaire». Une offensive commune qui recouvre toutefois des points de vue très différents, selon que l'on soit grand ou petit.
«Chiffon rouge»
De fait, les premières concessions accordées par le gouvernement aux syndicats de salariés ont matérialisé ce que le marais des entrepreneurs soupçonnait : plutôt qu'à leur simplifier la vie, la réforme du code du travail visait d'abord à faciliter celle des sociétés les plus imposantes. Pis, sa réécriture pourrait bien compliquer la leur. Une inquiétude qui s'est nourrie des pistes étudiées pour désamorcer une grogne devenue nationale : c'est vrai de l'introduction de salariés mandatés par des organisations syndicales extérieures à l'entreprise, de la hausse du nombre d'heures de délégation syndicale, comme du renforcement de la taxation des CDD. «On revendique le dialogue social mais devoir faire appel à quelqu'un d'extérieur à l'entreprise pour négocier un accord est un chiffon rouge absolu», avertit la présidente d'Ethic, Sophie de Menthon, qui dénonce «une loi à contre-emploi».
Même mécontentement du côté de la FNSEA : «On était très favorable à plus de souplesse dans l'organisation du temps de travail compte tenu de la saisonnalité de notre activité, explique son représentant. Mais attention à ce que la contrepartie ne soit pas de taxer d'avantage les contrats courts !» Pour le président de la CGPME, François Asselin, c'est clair : «Si on en reste là où on est aujourd'hui, nous ne voulons pas de ce texte.»
«Avancées»
A contrario, la principale préoccupation de l'Afep, le lobby des multinationales du CAC 40, est de préserver du débat parlementaire les «avancées notables» qui figurent toujours dans le projet de loi, comme «l'objectivation des critères de licenciement économique», leur «périmètre d'appréciation», la possibilité de «conclure des accords collectifs offensifs» pour permettre à une entreprise d'anticiper les difficultés ou celle de «valider des accords par référendum». Pris entre ces petits et grands adhérents, le patron du Medef, Pierre Gattaz, tente la synthèse : «Il faut donner un nouvel élan à la loi.»