En tournée canadienne depuis vendredi, Marine Le Pen, «gaulliste» autoproclamée, rêvait-elle de mettre ses pas dans ceux du Général ? En 1967, l'adresse de ce dernier au «Québec libre» faisait rentrer sa visite dans l'histoire. Presque cinquante ans plus tard, celle de la présidente du Front national n'en offre qu'une triste parodie. Entre irruptions d'opposants, hostilité des responsables locaux et vitupérations lepénistes, l'épisode ne devrait laisser de bons souvenirs ni à l'eurodéputée ni à ses hôtes. Au Québec pas plus qu'en France, aucune personnalité politique n'a souhaité s'afficher officiellement avec Marine Le Pen. Même l'indépendantiste Parti québécois a fermé la porte au nez d'un FN «dont l'histoire, la doctrine et les propositions sont aux antipodes [de ses] valeurs». Peut-être vexée par ce mauvais accueil, celle qui fuit les médias en France a couru les plateaux locaux pour dire tout le mal qu'elle pensait de la classe politique canadienne, «pleine de bons sentiments», acquise «à l'immigration massive, à l'ouverture totale, à la soumission à tous les traités de libre-échange». Et vivant, en résumé, dans «le monde des Bisounours». Pour la posture gaullienne, on repassera.
A moins que son interprétation frontiste ne consiste à sermonner chez eux, et avec une telle pédanterie, les dirigeants d'un pays étranger. «Ça va, Jeanne d'Arc, descends de ton cheval», a aussitôt répondu le quotidien québécois la Presse. Ne se souvenant pas «d'un politicien étranger important venu donner autant de leçons avec autant d'outrecuidance en aussi peu de temps», le journal se demande encore «quel amateur était responsable de ce ratage de première». Se sentant peut-être concerné, un accompagnateur de Marine Le Pen a fustigé sur Twitter ce «torchon de désinformation des bobos haineux». Après une interview difficile, un autre s'était félicité que sa championne ait «humilié» la journaliste lui faisant face. De quoi méditer, faute de mieux, sur la mission d'«apaisement» que revendique désormais le parti d'extrême droite.