La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) n’en démord pas : le droit à l’oubli ne vaut que s’il s’applique à l’ensemble du moteur de recherche de Google, et pas seulement à ses versions européennes. Le 10 mars, la commission a infligé 100 000 euros d’amende à l’entreprise américaine, décision rendue publique jeudi. Le groupe compte faire appel.
Le «droit au déréférencement» instauré dans l'UE en mai 2014 donne la possibilité à tout internaute de demander à un moteur de recherche de supprimer, dans les résultats d'une recherche effectuée sur son nom, les liens vers des contenus qui présentent des informations «inadéquates, pas ou plus pertinentes ou excessives», dès lors que ce retrait ne va pas à l'encontre de «l'intérêt prépondérant du public». Au 24 mars, Google avait reçu plus de 400 000 demandes, examiné plus de 1,4 million de liens et supprimé 42,6 % d'entre eux. Jusqu'ici, le groupe n'a pas appliqué ces déréférencements à tout son moteur, mais seulement aux extensions locales, comme Google.fr en France.
C'est sur ce point qu'a tiqué la Cnil. En mai 2015, elle a mis en demeure le groupe d'appliquer globalement le droit au déréférencement. Pour l'entreprise, en revanche, une décision européenne n'a pas à s'appliquer hors de l'UE. Google estime qu'un droit à l'oubli ainsi «mondialisé» ouvrirait une brèche et créerait un précédent exploitable par des régimes autoritaires.
Les enjeux sont bien plus larges que la sanction financière. Quelle territorialité d’un droit qui concerne les Européens ? Doit-il s’étendre à l’ensemble d’un service qui s’exerce à l’échelle de la planète, et avec quelles conséquences ? Surtout, le principal problème reste entier : le fait d’avoir confié à une entreprise privée, et non à la justice, la responsabilité d’arbitrer entre le droit d’une personne à la vie privée et le droit du public à l’information et à la liberté d’expression.