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Libération
Communication politique

Déchéance : comment le gouvernement fait porter le chapeau de l'échec à la droite

Déchéance de nationalité, la polémiquedossier
Ce jeudi, Manuel Valls en tête, les ministres ont pilonné les sénateurs de l'opposition qui ont refusé le compromis gauche-droite trouvé à l'Assemblée sur la révision constitutionnelle.
publié le 31 mars 2016 à 12h57

Feu sur la «droite sénatoriale». Ce jeudi matin, au lendemain de l'abandon de la révision constitutionnelle, les ministres étaient nombreux – le premier d'entre-eux compris – dans les matinales télés et radios pour faire reposer «l'échec» de cette réforme sur les épaules de l'opposition et non de l'exécutif. «La droite sénatoriale a bloqué la révision alors qu'un accord était possible et qu'elle était favorable à la déchéance», a critiqué Manuel Valls sur RTL avant de taper aussi ses propres camarades qui n'ont pas voté le projet de loi constitutionnel à l'Assemblée : «Une partie de la gauche préfère ou préférait l'échec plutôt que de voter une déchéance, pas pour un binational, pas pour un Français, pour un terroriste, pour un terroriste.»

Le chef du gouvernement a regretté le fait que «malheureusement, encore une fois, des considérations politiques sont venues percuter cette volonté d'unité» et a conclu en prenant à témoin les Français sur le cas de Salah Abdeslam, l'un des participants aux attentats du 13 Novembre. «Il est en effet français, il n'a pas la double nationalité […] On ne pourra pas puisque la droite sénatoriale ne le permet pas, déchoir de sa nationalité l'un des responsables du 13 Novembre. Quelle responsabilité… Que peuvent penser les Français, un seul instant d'une telle attitude. Nous ne pourrons pas déchoir de la nationalité un Français, un Français mononational, qui aurait commis des attentats terribles. Quelle responsabilité…»

Prochain piège : la réforme du CSM

Peu après Valls, Stéphane Le Foll a aussi repris cet exemple d'Abdeslam. «Il a UNE nationalité, elle est française, a rappelé le porte-parole du gouvernement sur Europe 1. Dans ces conditions, la droite sénatoriale et monsieur Raffarin en particulier, et monsieur Retailleau, Juppé, soutiens de Juppé, soutiens de Fillon avaient l'air d'être très heureux hier soir. Et bien on leur rappellera leurs responsabilités», lorsque le Français arrêté il y a dix jours à Bruxelles sera transféré en France. «Chacun pourra à ce moment-là penser au fait que sur une réforme constitutionnelle, proposée par le président de la République pour essayer de donner un cadre à l'état d'urgence et en même temps déchoir de leur nationalité ceux qui ont commis des délits et des actes terroristes et criminels, et bien on n'aura pas les moyens de le faire. C'est tout», a poursuivi Le Foll.

Et si la ministre du Travail Myriam El Khomri, sur RMC et BFMTV, est restée dans son propre couloir pour parler exclusivement de son projet de loi le jour d'une grande mobilisation demandant le retrait de celui-ci, d'autres grognards de la Hollandie étaient de sortie pour cogner l'opposition. «Nous aurions dû prendre au sérieux la menace brandie depuis quatre ans par la droite de ne jamais laisser aboutir la moindre révision constitutionnelle, a ainsi déclaré le patron des députés PS, Bruno Le Roux sur I-Télé. Mais nous pensions que le caractère de la menace terroriste, que les besoins du pays allaient permettre l'unité.» Et le député de Seine-Saint-Denis de mettre en avant le prochain dossier que la droite a prévu de torpiller : la réforme du conseil supérieur de la magistrature, actuellement en discussion en commission des lois de l'Assemblée nationale.

«La droite ne le veut pas»

Ce jeudi matin sur France Inter, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a refuté tout abandon de cette réforme censée «garantir que les juges puissent agir sans influence politique» mais qui nécessite une révision de la Constitution. «Je pense que je vais […] réussir», a insisté le garde des Sceaux. «Nous sommes prêts à voter le texte qui a été voté par la droite au Sénat, rendant possible la révision constitutionnelle, a rappelé Le Roux de son côté. Regardez attentivement ce qui se passera: la droite cherchera à faire un pas de côté pour que ce texte ne soit pas adopté», a pronostiqué M. Le Roux. «La droite ne le veut pas», a insisté Le Foll. Et voilà comment les dirigeants de la majorité comptent laisser le mistigri de la désunion nationale au camp d'en face.