Sous son parapluie orange, le proviseur du lycée Henri-Bergson (Paris XIXe) est posté devant les grilles de son établissement ce jeudi à 8 heures. Il a ouvert une salle pour que les lycéens puissent préparer la manifestation contre la loi travail, au sec. Mais ils ne sont pas beaucoup à avoir fait le déplacement. La veille, la décision a été prise de suspendre les cours pour éviter tout débordement. Des élèves s'étaient tout de même donné rendez-vous à 10 heures. Ils sont une quinzaine sous la pluie, à tenter d'organiser leur journée. «On attend les profs ou on part tout de suite ?» demande Marhfour, 15 ans, élève de seconde. Sa journée a commencé à 7 heures par un coup de main aux lycéens de Turgot (Paris IIIe) qui ont bloqué l'entrée de leur établissement par un entassement de poubelles.
Les images des violences policières filmées par quelques téléphones portables le 24 mars devant Bergson, tournent encore en boucle dans leur tête. «On en a beaucoup discuté entre élèves et il y a eu un débat avec les professeurs», raconte Kevin, élève en terminale. Mais il est résigné : «C'est comme ça que ça se passe ici.» Pour beaucoup, Bergson paye sa «mauvaise réputation» pointent les élèves. «Ce ne serait jamais arrivé dans un lycée du centre de Paris», estime Gwénaël Cau, un parent membre de la FCPE. Son fils, qui est en seconde, a peur de participer à un nouveau rassemblement depuis le déferlement des policiers.
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Sheren n'a pas hésité à se lever ce matin. «La semaine dernière j'étais mobilisé contre la loi El Khomri, mais là je viens surtout pour dénoncer les violences qu'on a subi.» C'est une amie proche de Stevens, dont l'arrestation musclée a le plus choqué les élèves. De son côté, Belhassen, 17 ans, a été rassuré par la venue du préfet de police de Paris vendredi dernier. «Il ne nous a pas dit explicitement qu'il s'excusait mais il a reconnu le problème», assure le lycéen. «On ne veut surtout pas que l'affaire soit étouffée.» L'IGPN a ouvert une enquête dés le lendemain des faits et Belhassen s'est rendu de lui-même dans les locaux de la police des polices pour témoigner.
Le lycéen insite pour rappeler à ses camarades que c'est avant tout une journée d'action contre la loi travail. D'ailleurs, ils n'ont toujours pas décidé si les professeurs allaient se joindre à leur cortège. «On vote !» lance un lycéen. Marhfour s'énerve : «Même à 15 on arrive pas à s'organiser.» Toute la bande rigole. Finalement, quelques enseignants se joignent à eux pour aller manifester à Nation.