Patrick Henry restera donc en prison, encore pour un bon moment. Jeudi après-midi, la Cour d'appel de Paris a annulé sa remise en liberté conditionnelle octroyée début janvier en première instance par le Tribunal d'application des peines (TAP). Emprisonné depuis quarante ans, ce détenu, qui fêtait le même jour ses 63 ans, est devenu emblématique de la problématique des longues peines, après l'avoir été pour la peine de mort – y échappant de justesse avant son abolition en 1981. La prison à perpétuité, jusqu'à quand ?
Son avocate, Me Carine Delaby-Faure, s'est insurgée à la sortie de l'audience contre un jugement «plus politique que judiciaire», son client étant une fois de plus otage d'un débat public lui échappant totalement , sur fond d'inflation législative visant à renforcer toujours plus la «perpétuité réelle» au moindre fait divers ou attentat terroriste. Nonobstant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), tolérant la prison à vie pour peu que subsiste – du moins sur le papier – une vague perspective de sortie. «Le TAP avait eu le courage d'aller contre l'opinion publique, la Cour ne l'a pas eu», se désole-t-elle.
A son corps défendant (une fois de plus !), Patrick Henry aura donné tort à tous les législateurs en herbe, comme Nathalie Kosciusco-Morizet dernièrement, qui passent leur temps à vouloir renforcer des peines dites de sûreté pour mieux empiéter sur la libre appréciation des juges, ces réputés gauchistes prompts à vider les prisons… Sauf que non, comme le prouve leur décision rendue jeudi, qui fera l'objet d'un pourvoi en cassation. Seuls les gardiens de prisons militent ouvertement contre la «perpétuité réelle», car un taulard sans perspective de sortie – aussi mince soit-elle – risque de se muer en bête en cage impossible à gérer.
Patrick Henry n'est pas le meilleur porte-drapeau des longues peines, loin de là. Lui qui a tué en janvier 1976 le petit Philippe Bertrand, âgé de sept ans, et avait vainement exigé une rançon auprès de sa famille, ne manifeste guère de repentir : «J'ai commis une faute, j'ai payé. Je n'attends rien de la société et je ne lui dois rien, elle et moi nous sommes quittes.» Libéré une première fois en 2001, il gâche tout – y compris la cause des autres condamnés ayant pris perpète – en chipant dans un magasin de bricolage puis en se faisant pincer en 2002 en Espagne avec 10 kg de cannabis. Son avocate fait ce qu'elle peut : «Il est facile de se méfier de lui. Patrick Henry aurait pu pleurer devant ses juges, faire du cinéma. Mais il m'a confié ne pas passer une journée sans repenser au drame initial.» Une autre forme de punition.