Menu
Libération
Reportage

Myriam El Khomri se dit à «l'écoute» mais ne cède rien

En marge de sa visite dans une usine du Rhône, la ministre du Travail a commenté les manifestations de la veille contre sa loi en des termes très généraux, se gardant de faire toute annonce.
Myriam El Khomri en visite dans les locaux de l'usine Maviflex à Décines-Charpieu, ce vendredi. (Photo Hugo Ribes. Item pour Libération)
par Maïté Darnault, Correspondante à Lyon
publié le 1er avril 2016 à 17h14

Pas question de sortir du rang. A l'occasion de la venue de la ministre du Travail Myriam El Khomri ce vendredi, les employés de Maviflex, société qui fabrique des portes pour l'industrie, avaient été prévenus : «L'actualité risque de rendre la venue un peu folklorique ! La presse sera présente. La politique n'a pas sa place dans nos débats, notre seul objectif, c'est Maviflex !» leur avait écrit la veille Anne-Sophie Panseri, présidente de cette entreprise familiale située à Décines-Charpieu, en banlieue de Lyon. Un exemple, dans la région, en matière de qualité de vie au travail et d'articulation emploi-vie privée. C'était d'ailleurs l'objet officiel de la rencontre chronométrée avec la ministre, au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation contre son projet de loi. Sa visite s'est conclue par une déclaration commentant essentiellement… l'actualité.

«C'est normal qu'il y ait de l'exaspération, on connaît un chômage de masse depuis trente ans», a estimé Myriam El Khomri au sujet des manifestations de la veille, les jugeant «significatives». «Il faut rester à l'écoute, en particulier des souffrances de la jeunesse qui subit la précarité», a-t-elle ajouté, avant d'avancer ses contre-arguments : «Mais hier, j'ai aussi entendu d'autres revendications que celles relatives à ma loi, au sujet de la réforme ferroviaire, des hôpitaux et de la fonction publique territoriale. Je remarque d'ailleurs qu'il n'y a pas de front syndical uni. Et si je reste à l'écoute, l'opinion publique ne peut pas être la seule boussole de l'action gouvernementale.»

Lorsqu'on l'interroge sur une réponse concrète à la mobilisation massive des Français, elle botte en touche : «Le débat parlementaire va permettre de redonner de la pédagogie sur ce projet.» Certains salariés de Maviflex semblent pourtant avoir bien compris ce qui se prépare: «Personnellement, je ne trouve pas ça très florissant pour l'avenir des jeunes. Ça va créer des déséquilibres», regrette Jean-Franco Ricupero, 47 ans, chef d'équipe du secteur tôlerie. Il suit le mouvement social depuis sa télévision et se félicite surtout d'avoir un boulot qui lui permet d'aménager ses horaires pour récupérer ses enfants à l'école et laisser le champ libre à sa femme occupant un poste à responsabilités dans une autre entreprise.

Ce vendredi. Photo Hugo Ribes. Item pour Libération

Francis (*), la quarantaine, opérateur, ne se plaint pas non plus de sa situation : «C'est possible de discuter ici, alors je ne vais pas aller jusqu'à manifester dans la rue. Mais j'ai connu d'autres boîtes où c'était pas pareil», dit-il. Avec cette loi, «un patron qui aura quelqu'un dans le nez pourra le virer du jour au lendemain». Alors que tout le monde peut «avoir un coup de baisse de production, à cause des emmerdes, de la vie», rappelle-t-il : «Il n'y a pas que le boulot, on n'est plus dans les années 30 !» Francis est partisan du retrait de la loi : «Si elle passe, ça va foutre des gens dans la merde.»

Devant les caméras, Myriam El Khomri insiste : «Ce projet de loi ne livre pas le salarié dans la gueule du loup patronal. Il s'agit juste d'une nouvelle forme de régulation.» Après avoir croisé, au pas de charge, une poignée des 125 salariés, tous en CDI, de Maviflex, la ministre repart sous la pluie. «Il pleut encore, sourit un des employés. C'est comme ça depuis que François Hollande a été élu.»

En déplacement à Orléans, le Premier ministre, de son côté, a proposé ce vendredi matin de recevoir les organisations de jeunesse «avant la mi-avril». Il s'est également dit «prêt à regarder» certaines propositions de l'Unef, le syndicat étudiant majoritaire, fermement opposé au projet de loi travail. Et ce, a ajouté Manuel Valls, afin de d'«améliorer l'ensemble des politiques publiques vers la jeunesse».

(*) Le prénom a été modifié.