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Libération
EDITORIAL

Anti-résignation

Nuit deboutdossier
publié le 6 avril 2016 à 20h11

Feu de paille ou étincelle ? L’analyse définitive attendra. Nuit debout est au moins le nouveau symptôme d’une envie de faire de la politique autrement, après le débat sur la primaire à gauche, le succès de la pétition contre la loi travail, les colères des nouveaux militants sur les réseaux sociaux. Il y a dans ces rassemblements une envie de se retrouver, un bras d’honneur à la peur post-attentats. Il y a surtout un front anti-résignation. Refus de voir la politique se résumer au bulletin de vote, refus de se voir imposer qui fera face à Marine Le Pen en mai 2017, refus de voir la politique se résumer à des provocations et des faux débats, refus d’assumer les renoncements aux valeurs de la France par peur du FN, refus de voir les politiques piétiner la moindre promesse. De Nuit debout à #onvautmieuxqueça, des lycéens en grève aux abstentionnistes de décembre, une nouvelle génération éclot. Contrairement à ce qu’en disent les vieux pachydermes cyniques, elle est hyper politisée, hyper connectée et, surtout, revenue d’une manière de faire de la politique. On pourra trouver de la naïveté dans ses mots d’ordre, mais elle renouvelle l’offre par sa fraîcheur et l’envie de débattre de tout, ensemble. Elle est forcément de gauche, très à gauche, et très méfiante par nature à l’égard de l’autorité, mais même les libéraux les plus assumés voient dans ce mouvement un miroir à leurs propres espérances. Les moqueries et le mépris d’un Cambadélis ne font qu’engendrer une volonté encore plus farouche de voir les politiques quitter la scène. La gauche au pouvoir ou celle qui aspire à l’obtenir devrait au contraire entendre ces voix, saisir ces mains qui se tendent. Il ne s’agit pas de récupérer et d’étouffer, mais de faire grandir ce mouvement, de se saisir d’une chance historique de réinventer les aspirations démocratiques d’un pays qui refuse de se résigner au déclin. L’espérance qui se devine derrière ce mouvement et ceux qui veulent croire à un printemps démocratique est celle d’une France qui attend autre chose de la politique. Il faudra y croire pour peut-être le voir.