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Analyse

Nuit debout: la classe politique prise au dépourvu

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Si tout le monde ou presque, à gauche, dit rester à l’écoute, la plupart des élus minimisent la portée du mouvement et ses débouchés possibles.
Mardi soir place du Capitole à Toulouse. (Photo Ulrich Lebeuf. Myop pour Libération)
publié le 6 avril 2016 à 20h11

Il a de drôles d'idées, Jean-Christophe Cambadélis. Le patron du PS est passé dimanche soir place de la République là où se rassemble Nuit debout, mouvement pourtant opposé à la politique du gouvernement. Personne ne l'a reconnu… «C'est le printemps de la repolitisation», s'est emballé Cambadélis mardi sur RFI, nuançant aussitôt l'ampleur de ce «phénomène» dans une société qui attend beaucoup de l'Etat : «Pour l'instant, [il] n'a pas envahi l'ensemble de la société, c'est ponctuel.» Selon des observateurs socialistes, il ne s'agit pas non plus d'une «auto-organisation» de citoyens lambdas. «Ce sont des gens qu'on connaît : des "anars", une nébuleuse zadiste, des militants [PG, LO, NPA…] qui reviennent pour ne pas perdre le fil. C'est peut-être très désorganisé mais les noyaux durs sont très politisés», décrit Emmanuel Grégoire, premier secrétaire fédéral PS de Paris, qui observe à République une «sociologie très activiste» que les socialistes doivent savoir entendre. «Il n'y a pas de gauche en responsabilité sans cette gauche qui vote pour nous.»

Côté gouvernement, ligne a été donnée de se montrer «à l'écoute». «Il faut regarder, a répondu le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, mercredi. Ce sont des hommes et des femmes qui se rencontrent pour échanger.» Pour autant, rappelle Le Foll, «il y a ce qui peut être un idéal et il y a le réel». «On a besoin de porter un idéal mais les gens de Nuit debout ne peuvent pas considérer qu'ils sont les seuls à en porter.» Manière d'affirmer que si l'exécutif est prêt à «écouter», il a, lui, le «sens des réalités».

«C'est une réplique, une copie de ce qu'il s'est passé en Espagne», veut croire la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée, Catherine Lemorton, qui y voit le fruit d'un «mécontentement qui gronde depuis quatre ans». Mais d'autres élus de gauche rejettent ce parallèle avec les Indignés nés des politiques d'austérité en Espagne. «Sans leader, sans mot d'ordre, […] c'est une mobilisation qui peut durer mais pas se transformer, analyse le député PS Malek Boutih. Nuit debout remplit un vide politique majeur dans ce pays mais ne peut être rien d'autre. […] La différence avec les Indignés, c'est que c'est sous un gouvernement de gauche, donc il n'y a pas de débouché politique possible.»

«Il n'est pas nécessaire de définir ce mouvement. Ils n'ont pas de revendications et en font une fierté. Le parallèle avec Podemos est une erreur, il n'est pas sûr que quelque chose émerge, martèle le porte-parole d'Europe Ecologie - les Verts, Julien Bayou, qui passe une grande partie de ses nuits debout. C'est d'abord un souhait de radicalisation de la démocratie qui s'exprime.» Elle s'enracine, d'après lui, dans une «crise de la représentation» et un «rejet de la forme partidaire». «Ceux qui ne se remettent pas en cause et imaginent pouvoir profiter du mouvement ont tort», prévient Bayou, ciblant Jean-Luc Mélenchon sans le nommer. «Ce sont les gens de Nuit debout qui nous récupèrent !» se défend, enthousiaste, Alexis Corbière, porte-parole du candidat à la présidentielle : «Ces graines qui germent, la VIe République, l'assemblée constituante, l'insoumission, ce sont nos idées.»