INTOX. Non, le FN n'est pas impliqué dans les «Panama Papers» : les dirigeants du parti le répètent sur tous les tons depuis mardi et les révélations du Monde selon lesquelles un proche de Marine Le Pen, Frédéric Chatillon, et Jean-Marie Le Pen, auraient goûté aux joies de la finance offshore. Proches, d'accord, mais pas membres du parti, a martelé Louis Aliot sur France Inter, mercredi matin, concluant que «le Panama Papers est un dossier vide pour le FN». Mais le vice-président frontiste est allé plus loin : «L'enquête a déjà eu lieu, a-t-il jugé. Cette affaire, elle a déjà été vue par le juge Renaud Van Ruymbeke, il n'en a tiré aucune conclusion. C'est donc que le dossier est vide, sinon vous pensez qu'il aurait poursuivi tous ces gens-là.»
La même idée était développée dans un communiqué publié mardi : selon celui-ci, «le Monde n'a rien fait d'autre que de ressortir une affaire concernant un prestataire de services, qui a déjà fait l'objet d'une instruction judiciaire aujourd'hui clôturée, et dont lui-même a été obligé de reconnaître qu'elle démontrait que le Front national comme Marine Le Pen y étaient totalement étrangers». Dans ces déclarations, une chose est vraie : le FN n'est pas directement concerné par les informations du Monde. Le reste est un petit bijou d'enfumage.
DÉSINTOX. Quelle est donc cette affaire «vue par le juge Renaud Van Ruymbeke», et qui n'aurait débouché sur «aucune conclusion» ? Il s'agit de l'«affaire Jeanne». Ouverte en avril 2014, cette information judiciaire porte sur une escroquerie présumée aux dépens de l'Etat. Celle-ci implique notamment la société de communication Riwal, un important prestataire du FN, dirigée par Frédéric Chatillon. Si Louis Aliot mentionne cette affaire, c'est que, comme le révélait Libération en avril 2015, les enquêteurs se sont alors intéressés à une somme de 300 000 euros virée en Asie par Chatillon. Précisément les fonds dont il est question dans l'article du Monde.
Quoi qu'il dénonce les «amalgames» visant son parti, Louis Aliot en fait un lorsqu'il assimile les aventures offshore de Chatillon à l'ensemble de l'affaire Jeanne, dont elles ne sont qu'un aspect. Surtout, pour conclure que cette enquête est déjà morte, Louis Aliot déforme une annonce tombée mi-janvier, selon laquelle la justice a terminé ses investigations dans l'affaire Jeanne. Cela ne signifie pas qu'elle ne débouchera sur rien : simplement que les juges d'instruction ont rassemblé suffisamment d'éléments. Il leur revient désormais de décider si l'affaire donnera ou non lieu à un procès. Même enfumage lorsqu'Aliot ajoute que «le dossier est vide, sinon vous pensez [que le juge] aurait poursuivi tous ces gens-là» : les éventuelles poursuites sont évidemment liées à la tenue ou non du procès.
Quant à affirmer que le FN est «totalement étranger» à l'affaire, comme le fait le communiqué du parti, cela relève là aussi de la confusion volontaire. Peut-être pas concerné par les virements offshore de Frédéric Chatillon, le Front n'est en rien absout des soupçons de «recel d'abus de biens sociaux» et de «complicité d'escroqueries» qui lui ont valu d'être mis en examen en tant que personne morale. Comme une dizaine d'autres acteurs du dossier Jeanne, parmi lesquels Frédéric Chatillon, le trésorier et un vice-président du FN, Jeanne et Riwal. Quant à Marine Le Pen, elle a été placée sous le statut de témoin assisté.