Menu
Libération

A Paris, les intermittents debout sous la Canopée

publié le 7 avril 2016 à 20h11

«Je ne sais pas où nous allons. Si je le savais, je ne vous le dirais pas, même sous la torture !» Devant le théâtre Dejazet, à Paris, jeudi après-midi, c'est un peu la confusion. A l'appel de la Coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France (CIP-IDF), plus d'une centaine de personnes s'est donné rendez-vous, non loin du camp de Nuit debout, place de la République. La discrétion est de mise : «On n'est jamais à l'abri d'un policier en civil qui nous cueillerait à la sortie du métro», explique un intermittent du spectacle.

Quelques stations plus tard, le groupe se retrouve aux Halles, dans le nouveau bâtiment - la Canopée - inaugurée deux jours avant. Direction, au pas de course, le deuxième étage de la Maison des pratiques artistiques amateurs (MPAA). Un des organisateurs dévoile alors son message : «Nous sommes ici pour faire converger nos luttes, entre intermittents, précaires, syndicalistes et étudiants.»

Dans le cadre des mobilisations contre la loi travail et de la renégociation de l'assurance chômage, la CGT spectacle, la CIP et les étudiants n'ont pas choisi au hasard ce lieu : «Sachez que cet édifice a été construit en partie par des sans-papiers et des travailleurs des pays de l'Est payés une misère, affirme-t-il. Le Forum des Halles, c'est le forum d'exploitation des précaires. […] Si nous sommes dans ce bâtiment-là, la MPAA, c'est aussi pour dénoncer la non-rémunération des artistes amateurs qui participent aux spectacles vivants.»

La foule est gonflée à bloc, l'AG peut commencer. Le rassemblement ressemble à s'y méprendre aux réunions de Nuit debout. Tour à tour, chacun prend la parole pour dénoncer la précarisation des demandeurs d'emploi. «Avec la renégociation de l'assurance chômage, c'est 800 millions d'euros d'économie faits sur le dos des chômeurs. En temps de crise, c'est impensable !» s'insurge un intermittent. Le débat est technique, mais chacun comprend la problématique : «La situation est de pire en pire depuis des années. Avec la loi travail, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase», résume un manifestant. Certains expriment un avis plus général. «J'ai voté pour Hollande. A l'époque, j'étais à fond ! Et puis, il a préféré écouter Gattaz plutôt que des prix Nobel d'économie», déplore une femme. Le but de la réunion étant de s'unir au-delà des catégories sociales, une étudiante ajoute : «Sachez que désormais, on est avec vous et on vous suit.» Applaudissements.

Le débat se poursuit à l'extérieur. Une banderole est déployée : «Ils ont des milliards, nous sommes des millions.» Les manifestants se succèdent alors au mégaphone, pendant qu'un autre participant note toutes les propositions. Le rassemblement se délocalise ensuite place de la République, où l'on organise la suite du mouvement. Intermittents, étudiants et précaires en sont désormais convaincus : leur lutte se poursuivra ensemble.