Evidemment, François Hollande a choisi la bonhomie. «Je cours, moi, je cours», plaisante le chef de l'Etat quand on l'interroge à Metz sur ce ministre de l'Economie qui a décidé de se mettre «en marche». Mais comme d'habitude, sous la boutade se faufile une mise en garde : en matière de compétition politique, le chef de l'Etat a mille coudées d'avance et que chacun reste bien à sa place.
Au courant depuis septembre que son ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée prépare son décollage politique et même informé de la date du lancement ce week-end, Hollande n'a qu'un bémol à apporter à cette petite entreprise personnelle, «que cette démarche, à court terme, ne nuise pas au travail gouvernemental collectif», explique son entourage. En d'autres termes, sont désormais proscrites les sorties iconoclastes sur les 35 heures, le salaire des fonctionnaires ou tout autre sujet n'étant pas dans la ligne de l'exécutif. «Les voltigeurs flamboyants, c'est bien, mais à la fin, il faut que les ballons tombent dans les filets collectifs», maugrée un ministre. L'ambition de l'ancien banquier même pas quadra, qui vient de signifier à ses pairs socialistes qu'il ne comptait pas repartir dans le privé de si tôt, agace le premier cercle hollandais, où l'on ne croit pas totalement à sa loyauté. «Il n'arrête pas de répéter qu'il sait ce qu'il doit et à qui il le doit, ça en devient presque suspect», sourit un conseiller présidentiel. «Tant qu'il ne dit pas : "Il y a le Président d'un côté et moi de l'autre, ça va"», relativise un conseiller ministériel.
Mercredi soir, Macron a donc pris soin une fois de plus de souligner que sa priorité n'était «pas aujourd'hui» une candidature présidentielle. En marche ! «ça occupe le temps et l'esprit de Macron et ça laisse tranquille Hollande», s'amuse un dirigeant du PS.
Ces limites posées, l'initiative Macron a énormément d'avantages pour Hollande : rempart officieux contre les ambitions de Manuel Valls, carte jeune officielle aux côtés des Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl ou Guillaume Bachelay, rabatteur de voix centristes à l'heure où le rassemblement de la gauche est dans l'impasse et aspirateur pour les désabusés de la politique. «Un ministre veut dialoguer avec les citoyens, ça s'appelle faire de la politique et faire en sorte que les convictions puissent être partagées», insiste d'ailleurs Hollande lors de sa conférence de presse avec Angela Merkel au terme du Conseil des ministres franco-allemand. On a connu des recadrages plus cinglants. C'est que l'ovni qui revendique de travailler avec tout le monde fait des émules dans les banlieues. «Macron peut arriver à toucher des gens que personne ne touche jamais, tous les jeunes qui ne savent plus s'ils sont à droite ou à gauche», analyse un visiteur du soir de l'Elysée. Un peu à l'image du mouvement Désirs d'avenir, lancé par Ségolène Royal avant la présidentielle de 2007. «Il y a toujours de bonnes choses dans l'idée de dialoguer avec des gens qui ne sont pas affiliés aux partis politiques, qui pensent que la politique ne peut plus rien», renchérit un proche de Hollande.
Si un candidat à la présidentielle a nécessairement besoin de dépasser les clivages partisans pour l'emporter au second tour, le credo «ni droite ni gauche» de Macron représente malgré tout un sérieux handicap pour le premier tour et le rassemblement de l'électorat de gauche. Sauf si les indicateurs économiques commencent à virer au vert. Ce qui alors pourrait être mis au crédit du ministre de l'Economie. Un ami du Président y croit : «Ce sera à Macron d'annoncer les bonnes nouvelles pendant que Hollande défendra son bilan et tracera des perspectives de politique générale.» Chacun son rôle.