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Libération
Récit

Pour les prud’hommes, traiter un coiffeur de «PD» n’est pas homophobe

publié le 8 avril 2016 à 20h51

Le jugement scandalise jusqu'à la ministre du Travail ou le Défenseur des droits, dont le porte-parole tenait une conférence de presse vendredi. Le conseil des prud'hommes de Paris a débouté en décembre un coiffeur, traité de «PD» par sa patronne, considérant que le terme n'est pas homophobe car «il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles».

L'affaire a commencé en octobre 2014 par un SMS reçu par le jeune employé en période d'essai dans un salon de coiffure parisien. Envoyé par erreur par sa manager, il était écrit : «Je ne garde pas [l'employé], je le préviens demain, on fera avec des itinérants en attendant, je ne le sens pas ce mec : c'est un PD, ils font tous des coups de putes.» Le lendemain, le jeune homme se présentait sur son lieu de travail et ses responsables lui signifiaient la rupture de sa période d'essai. S'estimant victime de discrimination et très affecté psychologiquement, il attaquait son employeur devant les prud'hommes, soutenu par le Défenseur des droits. Le salon de coiffure faisait valoir pour sa part que l'employé «travaillait lentement», avait des «difficultés d'intégration».

Tout en reconnaissant «le caractère et la teneur inappropriés du SMS», l'employeur estimait que le terme de «PD» «n'est qu'un simple abus de langage et que ce terme est entré dans le langage courant et qu'il n'a aucun sens péjoratif ou homophobe dans l'esprit de la manager». Le conseil considère que «l'employeur n'a pas fait preuve de discrimination, […] mais que ce sont des propos injurieux qui ont été prononcés». Il a accordé à l'employé 5 000 euros au titre du préjudice moral. «Le Défenseur des droits est extrêmement choqué», rapporte Slimane Laoufi, chef du pôle emploi privé auprès du Défenseur des droits. D'un ton ferme, il insiste : «Cette décision se fonde sur un préjugé qui n'a aucun fondement juridique !»

«Comment peut-on écrire une telle chose dans une déclaration de justice. C'est une décision sans précédent. J'ai beau chercher, je n'ai rien trouvé de semblable.» Le jugement, présenté aux associations LGBT par le Défenseur des droits jeudi, a été immédiatement relayé sur les réseaux sociaux. «Le jeune homme a fait appel et le Défenseur des droits reprendra une décision d'observation devant la cour d'appel», a poursuivi Laoufi.