L'ocre jaune des façades se reflète de moins en moins sur les pavés de la place Garibaldi de Nice. Sous ses arches, ce vendredi vers 21h, près de 500 personnes (selon les organisateurs, 250 selon la police) se sont réunies pour une Nuit Debout inspirée du modèle parisien. Devant eux, Roselyne saisit le micro pour parler logements sociaux et conditions de travail. «Je suis énormément surprise de voir tout ce monde-là», s'exclame cette aide-soignante avant de s'éloigner des baffles. «Nice n'est pas une ville militante. Je ne m'attendais pas à voir autant de monde, développe-t-elle. On vit dans une région privilégiée par le climat, il n'y a pas eu de souffrance due à des licenciements massifs dans l'industrie, les Niçois ont d'autres soucis. Alors, par rapport aux autres régions, on ne lutte pas de la même manière.»
Roselyne n'est pas la seule à être «surprise» par l'engouement de cette Nuit debout niçoise. C'est également le cas de Pascal Reva et Nico Sanka, les deux citoyens qui en sont à l'origine. «Lorsque nous avons eu l'idée de créer l'événement, je me suis dit : "on va être dix à se réunir autour de trois tentes Quechua"», se rappelle Pascal. Si ces deux Niçois ont décidé d'organiser ces débats, c'est qu'ils voulaient «se réapproprier l'espace public pour en faire un lieu d'échanges» et «ne pas laisser un grand blanc au sud-est de la carte des Nuits Debout». Finalement, plus de 600 personnes ont validé leur participation sur Facebook. «C'est étonnant de voir autant de citoyens se mobiliser car Nice est une ville, de fait, historiquement à droite», argumente Pascal.
A peine arrivé, Clément Di Maggio est réquisitionné. Plutôt grand et un brin costaud, cet étudiant de 23 ans se retrouve, de la rubalise nouée autour du bras, à gérer la sécurité. «J'étais persuadé que personne n'allait se bouger. Pour moi, Nice c'était mort», explique-t-il. Motivé par les images de la place de la République de Paris qui circulent sur les réseaux sociaux, Clément décide de tracter devant son université. «Ça n'avait pas été fait pour les manifs contre la loi travail. Du coup, on est tombés sur une petite moitié d'étudiants complètement désengagés ou qui ne connaissaient pas ce mouvement, déplore-t-il. Et l'autre moitié nous tenait des discours très à droite. Mais on ne s'est pas découragés.»
«A Nice, on n'a pas de précédent»
Finalement, ce vendredi soir, Clément serrera la main de quelques étudiants qu'il avait convaincus de venir. C'est le cas d'Amy. Cette Niçoise de 17 ans n'a jamais mis les pieds dans une manifestation, n'est pas attirée par le militantisme et ne «s'indigne que très rarement». Pourtant, ce vendredi soir, elle s'est assise pour écouter les débats qui animent la place Garibaldi. «Honnêtement, je viens pour passer une bonne soirée, découvrir cette ambiance que je ne connais pas et, peut-être, en apprendre davantage», confie l'étudiante.
«Le problème à Nice, c'est qu'on n'a pas de précédent, pas de grande culture de gauche ni de culture étudiante contestataire. Du coup, les militants sont plutôt isolés, et les étudiants désabusés ou résignés», essaie d'analyser Clément avant de dénouer son brassard improvisé et d'abandonner son poste à la sécurité. «Je vais aller dire deux mots au micro.» Il lance sa question : «Y a-t-il un infographiste ou une personne qui maîtrise Photoshop ?» Quelques bras se lèvent. «S'il vous plaît, créez un tract avec un logo "Nuit debout" et déposez-le sur les réseaux sociaux. On pourra tous le télécharger et l'imprimer pour aller tracter», propose Clément avant de retourner s'asseoir parmi la foule. «Cela permettra peut-être de faire venir des personnes supplémentaires», murmure-t-il afin de ne pas gêner l'orateur suivant.