Paris, mardi 20 janvier 2015. Manuel Valls présente ses vœux à la presse, deux semaines après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. Le pays vient d'être frappé de l'intérieur : les terroristes sont nés en France. Et ils ont grandi entre les tours de l'Hexagone. Le chef du gouvernement fait le lien entre les terroristes et les conditions de vie du mauvais côté du périphérique. Les mots sont forts. Il parle «d'apartheid territorial, social, ethnique», de «maux qui rongent notre pays» et des «discriminations quotidiennes parce que l'on n'a pas le bon nom de famille, la bonne couleur de peau, ou bien parce que l'on est une femme». La gauche applaudit.
Depuis, deux conseils interministériels à l'égalité et à la citoyenneté ont donné vie à 65 mesures pour répondre aux lacunes sans pour autant bouleverser la vie entre les tours, où le chômage est au plus haut. Et Valls a déclaré, après les attentats de novembre, qu'«expliquer, c'est déjà vouloir un peu excuser». Une sorte de marche arrière. Cette situation irrite un député socialiste de la région parisienne : «En 2015, le Premier ministre parle d'apartheid, un mot lourd, et rien ne change par la suite, si ce n'est que le gouvernement nomme un nouveau secrétaire d'Etat à la Ville tous les six mois.»
«Faible». La première réponse du gouvernement à «l'apartheid territorial, social, ethnique» arrive ce mercredi. Le matin, le projet de loi égalité citoyenneté sera présenté en Conseil des ministres. L'après-midi, Manuel Valls se rendra avec une dizaine de ministres à Vaulx-en-Velin (Rhône), commune symbole de la politique de la ville, pour étayer les propositions. Le texte est divisé en trois parties : «citoyenneté et émancipation des jeunes», «mixité sociale et égalité des chances dans l'habitat» et «égalité réelle». Objectif principal : renforcer la place des jeunes dans la République via des engagements citoyens et combattre les «ghettos» en favorisant la mobilité et la mixité dans le parc social ainsi que l'accès des ménages défavorisés aux quartiers attractifs. Des députés de la majorité qui ont eu accès au projet de loi le jugent «faible». Ils espèrent le renforcer via des amendements pendant le débat au Parlement prévu pour juin.
Mini-préfets. La deuxième réponse arrivera dans la foulée avec la nomination des délégués du gouvernement, sorte de mini-préfets, dans certaines villes pour réaffirmer la présence de l'Etat. Pour le moment, douze villes ou groupements de communes ont été retenus. Selon nos informations il s'agit de Trappes, Avignon, Mulhouse, Marseille, Toulouse, Amiens, Mantes-la-Jolie, Grigny, Sevran-Aulnay, Roubaix-Tourcoing, Vénissieux-Saint-Fons et Kourou-Cayenne. Chaque délégué aura une mission précise. A Amiens par exemple, il travaillera essentiellement sur les questions d'éducation. A Mulhouse et Avignon ce sera sur l'emploi.
En 2012, la jeunesse et les quartiers étaient au cœur du programme de François Hollande. Mais un an avant la prochaine présidentielle, le lien est coupé avec une partie de la jeunesse, qui défile dans la rue, et avec les habitants des quartiers.