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Gauche

La primaire, un mal nécessaire

Le principe d’une primaire de la gauche et des écologistes en vue de 2017 est acté, mais les points de désaccord entre partis freinent, voire handicapent, le processus.
Yannick Jadot (1er plan), député EELV européen, dans le cadre de la première rencontre débat "Notre Primaire", le 3 février 2016 à la Bellevilloise, Paris. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 12 avril 2016 à 19h51
(mis à jour le 14 avril 2016 à 11h45)

La situation est étrange. La primaire des gauches et de l'écologie, projet lancé en janvier via un appel à la une de Libération, intéresse du monde, à gauche. Tout le monde, ou presque, en parle. Les partis ouvrent la porte. Réuni samedi en conseil national, le Parti socialiste a dit oui à l'unanimité. Au même moment, Europe Ecologie-les Verts a adopté, par 57 voix pour, 16 contre et 3 votes blancs, une motion accueillant «avec intérêt» l'organisation de la primaire. La direction du PCF échange avec sa base.

Pourtant, rien ne bouge. La primaire bégaye. L'eurodéputé écolo Yannick Jadot, l'un de ses initiateurs, n'est pas content. Et il le fait savoir. «Soit les partis deviennent des acteurs engagés de ce débat citoyen et prennent en charge l'organisation de cette primaire. Soit ça ne marche pas et on dit que le show a assez duré», met-il en garde. Il ajoute : «On ne peut pas faire semblant de tirer cette dynamique et laisser les partis politiques être gentiment observateurs et flinguer cette affaire.» Vendredi, les initiateurs organisent une conférence de presse. Objectif : mettre les partis face à leurs responsabilités.

En attendant, les formations se rejettent la balle : c'est la faute du voisin. Le PCF et EE-LV plaident pour un socle «de gauche». «On ne peut pas se lancer dans une primaire sans garanties. Si Hollande l'emporte et mène une politique de droite, on fait quoi ? On dit quoi aux adhérents ?» explique un dirigeant écologiste. Du coup, les initiateurs de la primaire cherchent des solutions pour plier l'affaire et mettre d'accord tous les partis. En mars, Yannick Jadot l'annonçait dans Libération : «Dans les prochaines semaines, nous allons organiser des grands débats citoyens avec les partis», pour donner la parole au «peuple de gauche» et indiquer la direction de la politique à mener. Une sorte de socle, sans le nommer. Selon Yannick Jadot, «le vainqueur devra tenir compte des débats et des doléances des citoyens» tout au long de son mandat.

Cette idée ne séduit guère la direction du PS. Des débats, oui. Un socle, non. Un cadre du parti glisse avec une touche d'humour : «Les règles de la primaire sont simples : des candidats et tout le monde derrière le vainqueur. Si les écologistes et les communistes refusent, c'est parce qu'ils ont peur du résultat. Ils pensaient nous éliminer avec la primaire et ils se rendent compte que ce n'est pas le cas.»

Un autre débat occupe les esprits rue de Solférino : le nombre de candidats socialistes si la primaire devait voir le jour. Le premier secrétaire plaide pour un candidat unique. Alors que trois candidats se sont déclarés à l'aile gauche (Benoît Hamon, Gérard Filoche, Marie-Noëlle Lienemann), tandis que l'hypothèse d'un come-back d'Arnaud Montebourg semble se rapprocher. Son entourage tempère : «Il se pose des questions sur son futur, et en cas de retour, une chose est certaine, il ne sera pas le porte-parole des frondeurs.»

Pendant ce temps, l'acteur principal garde le silence. François Hollande observe, sans un mot. Il a d'autres priorités. Un visiteur de l'Elysée explique :«Il ne peut pas commenter la primaire, ce n'est pas son rôle. Mais il a très vite compris son intérêt. Et si Cambadélis se positionne aussi clairement sur la primaire, c'est qu'il a reçu le feu vert du Château.»Un frondeur voit les choses autrement. Il analyse et menace : «François Hollande a peur de la primaire. Il a tort : sans elle, l'histoire sera bien pire. Il y aura un ou plusieurs candidats socialistes au premier tour.»

Malgré les appels à l'unité, aujourd'hui comme hier, la gauche continue de se diviser. Et risque donc de se présenter plus éparpillée que jamais au premier tour de 2017. Un initiateur de la primaire prévient : «Si elle ne voit pas le jour et que la gauche ne passe pas le premier tour, on saura à qui demander des comptes.»