Valls en nuances. La chose est nouvelle et intéressante. Les réponses que le Premier ministre a faites aux questions de Libération sont importantes à plusieurs titres. Loin des propos lapidaires dont il est souvent friand, encouragé en cela par le temps court médiatique, il a cette fois développé ses conceptions plus en profondeur. On y voit un homme de gauche républicain plus que socialiste, attaché à l'autorité, à une conception très ferme de la laïcité, à une vision pragmatique de l'économie, même si on décèle aussi dans ses propos la volonté de parler à cette gauche déconcertée par la déchéance de nationalité et la loi travail, en tout cas dans sa première mouture. Entre un François Hollande plus ductile, qui voit toujours la gauche comme une famille qu'il faut rassembler, et un Emmanuel Macron qui veut faire irruption au centre, entre la gauche et la droite, quel est son espace politique ? Ce blairisme à la française peut-il séduire une partie de l'électorat ? La difficulté est grande : le PS n'est pas encore prêt pour cette mue qui s'appuyait, au Royaume-Uni, sur l'échec constant et répété du travaillisme traditionnel. Il est convoité non seulement par Macron mais aussi par François Bayrou, et même, sous certains aspects, par Alain Juppé. La question vaut surtout pour l'après-2017. Manuel Valls compte sur l'expérience de Matignon pour s'imposer dans le paysage comme celui qui réunira aux yeux de l'opinion l'expérience et la nouveauté. Il en a certainement l'étoffe et l'ambition. Mais ce sont là des plans pour le futur. Si la gauche subit une déroute à la présidentielle, il est probable que tous ceux qui ont conduit le mandat Hollande seront entraînés dans l'éclipse de la gauche, sinon dans son éclatement pour de longues années. Avant de rêver à l'avenir, il faut sauter l'obstacle de 2017. La tâche suffit à occuper les plus grandes énergies.
EDITORIAL
Obstacle
Publié le 12/04/2016 à 20h41
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