Santé publique ou santé politique ? C'est la grande maladie française que de mélanger les deux et de se servir des questions de santé publique pour des raisons de politique interne, avec pour résultat le constat que rien ne bouge. On en a eu la triste illustration avec les propos, cette semaine, de Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, lâchant sur BFM TV qu'il souhaitait que «le Parti socialiste ouvre un débat sur la fin de la prohibition du cannabis». Précisant : «La situation actuelle ne marche pas et on doit bouger.»
Le Dr Le Guen a bien sûr raison. Mais il sait fort bien que, sur ces sujets, François Hollande est au moins aussi opposé à toute libéralisation que son Premier ministre. D'ailleurs, à peine avait-il lâché sa phrase que Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, lui répondait sèchement : «Il n'y a aucune piste de travail ni de réflexion engagée au gouvernement sur cette question.»
La France est pourtant, en Europe, le pays quasiment le plus répressif sur cette question et celui où la consommation est la plus forte - en tout cas, elle n’arrête pas d’augmenter. En particulier chez les plus jeunes qui sont la cible la plus fragile en termes de santé. L’échec est là, patent. Sur ce point, le quinquennat de Hollande aura été inutile et ce n’est pas l’ouverture - dix ans après d’autres pays - d’une «salle de shoot» qui va marquer un changement significatif.
Jean-Marie Le Guen n’est pas un amateur. Il sait tout cela, les termes du débat comme les enjeux sanitaires. Il sait l’utilisation politique de questions sanitaires mal posées. Il n’ignore en rien que la santé publique a besoin de pragmatisme, de terrain, de sortir de toute idée préconçue. De modestie aussi. Faut-il rappeler que, ces trente dernières années, c’est la droite qui a fait le plus avancer ces questions, comme l’échange des seringues ou les traitements de substitution à l’héroïne ?
Jean-Marie Le Guen dit innocemment vouloir lancer le débat. Pourquoi diable maintenant et pas il y a quatre ans, alors que beaucoup le réclamaient ? En l'annonçant comme on affûte un argument électoral, il fige le paysage, le politise, l'enferme dans une logique partisane. Bref, il préfère faire de la politique plutôt que de faire avancer la santé publique. Et il l'avoue lui-même : «Ce sujet sera sans doute débattu dans le cadre de la présidentielle de 2017.» Il sait fort bien qu'ainsi il n'y aura pas de débat. Juste des postures.