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Libération

À Nîmes «Des frissons à chaque fois que je viens ici»

publié le 14 avril 2016 à 19h21

Dans la préfecture du Gard, Nîmes, Nuit debout ne fait que commencer. Le mouvement a pris ses marques depuis cinq soirs, mais semble bien enraciné dans ce square collé à la bien nommée place de la Révolution. Déjà, les petites habitudes sont prises : l’un apporte les légumes, l’autre les épluche, un troisième fournit chips ou saucisses, un boulanger donne des baguettes… L’annonce d’un prochain couscous rallie illico tous les suffrages.

Depuis le 40 mars (9 avril), une petite foule sentimentale vient étancher sa soif d'idéal, entre quelques bières et le brasero de Dédé. L'alcool, la soupe gratuite, deux guitares et une trompette ont aussi attiré une poignée de zonards et leurs chiens. «On est une centaine par soir, estime Fanny, 49 ans. Mais on récupère aussi des gens du quartier qui ne savent pas quoi faire de leur peau.» Mercredi soir, ils ne sont qu'une cinquantaine à braver l'humidité apportée plus tôt par la pluie et la grêle. Simone, 58 ans, dont quarante de syndicalisme, leur porte un regard attendri : «J'en ai vu des luttes, mais c'est la première fois que je vois ça : des gens aussi mélangés, avec tous les profils.»

C'est vrai. François, touriste venu de Haute-Savoie, déclare faire partie des nantis : «Je travaille à Genève, c'est vous dire que ça va pour moi.» Il est venu voir une Nuit debout pour en organiser une dans son village : «Un tel mouvement qui naît sous un gouvernement de gauche, c'est vraiment qu'il y a un sacré ras-le-bol.» Nanti, Thomas, 25 ans, ingénieur dans le BTP, affirme l'être aussi. C'est son troisième soir ici : «On se dit tous qu'il se passe un truc et on a envie d'en faire partie.» Ils veulent en être, comme les moins chanceux, plus nombreux. Parmi eux, Murielle, 56 ans : «Mon fils n'a pas de travail, moi non plus. J'habite en HLM, je vis du RSA. Et pour occuper ma vie, je fais du bénévolat.» Elle vient depuis la première nuit et y trouve la chaleur qu'elle n'a plus ailleurs. Tout comme Simone, la syndicaliste, qui travaille depuis vingt ans dans une centrale d'EDF qui va fermer : «Sur 130 agents, ils vont en garder 7. Moi, on me pousse vers la retraite, je ne suis pas reclassable.» A côté d'elle, Anaïs, 22 ans, raconte qu'elle vient de trouver un «vrai» boulot de serveuse après avoir travaillé six mois au black. «A chaque fois que je viens ici, ça me donne des frissons de voir comme les gens s'investissent, qu'ils ne lâchent rien…»

Du «paysan boulanger» prônant la grève générale au marchand de primeurs offrant quelques courgettes, en passant par ces deux jeunes Espagnols venus travailler puis galérer en France, le besoin de se retrouver est fort. Comme pour Adrien, 25 ans, barbichette et cheveux longs : «On ne réécrit pas le monde du jour au lendemain, mais c'est génial de reprendre contact avec les gens et la réalité, surtout quand on est d'une génération très virtualisée.» Hugo, 39 ans, champion des CDD enchaînés, livre une analyse plus sombre : «On vit là la dernière initiative populaire qui peut avoir du poids avant les échéances de 2017.»