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Libération
éditorial

Des partis de plus en plus loin du cœur

publié le 14 avril 2016 à 19h41

Nicolas Sarkozy à la tête de LR comme Jean-Christophe Cambadélis à celle du PS s’étaient fixé un objectif de 500 000 militants encartés pour leurs partis respectifs – officiellement les deux principales formations politiques du pays – à l’horizon de la prochaine présidentielle. L’un comme l’autre en sont loin. Et le slogan apparaît d’autant plus déconnecté du réel que toutes les dynamiques à l’œuvre vont dans le sens inverse.

Côté PS, même pas 100 000 adhérents à jour de cotisation, c'est hors de ses frontières et a fortiori de son influence que des mouvements voient le jour : le plus intéressant, le plus libre mais aussi le dernier né étant Nuit debout (lire pages 16-17). Dans le même temps, la Belle alliance populaire (BAP) lancée cette semaine par Cambadélis apparaît comme un insignifiant ravalement de façade en urgence, loin du large rassemblement à gauche que seule une primaire permettrait ou du «dépassement» que chacun a à la bouche. Même l'opération En Marche ! lancée par Macron, critiquable par bien des aspects - et qui passe cette semaine par la une de Match et la publication tellement banale de moult clichés privés du ministre et de sa femme - réussit à faire plus moderne.

De l’autre côté de l’échiquier, à LR, où on affiche tout de même plus de 230 000 adhérents à jour au 31 décembre 2015, la logique de la primaire a tendance à atomiser une droite plus habituée à une stricte culture du chef. Chaque candidat s’organise dans son coin, à son compte. Dès lors, le parti n’est plus l’acteur majeur, même si Nicolas Sarkozy cherche à se servir de sa position institutionnelle pour asseoir enfin, mais surtout en vain, son leadership face au «candidat des sondages», Alain Juppé.

Comme l'a souligné le chroniqueur de Slate Philippe Guibert, ancien patron du Service d'information du gouvernement (SIG), ce phénomène témoigne d'une ligne de fracture beaucoup plus profonde. C'est la question de l'attache partisane, une valeur en baisse, élection après élection, à l'heure de la «désaffiliation générale». S'appuyant sur la dernière livraison de TNS-Sofres-OnePoint, Guibert pointe que «jamais la part d'électeurs proches du PS et des Républicains n'a été, de façon concomitante, aussi réduite ! Et ce sont les "sans préférence partisane" qui progressent, c'est-à-dire ceux qui ne se disent proches d'aucun parti, à un haut niveau, pendant que la proximité avec le FN recule depuis les régionales.» Tout sauf anodin à un an de la présidentielle.