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Libération
Interview

«Elargir les compétences du Défenseur des droits pour mieux protéger les lanceurs d’alerte»

Pour assurer une meilleure protection à celles et ceux qui dénoncent des manquements à la loi, le Conseil d’Etat a rendu publiques ses propositions mercredi. Son vice-président, Jean-Marc Sauvé, les détaille.
publié le 14 avril 2016 à 18h32

Panamaleaks, Wikileaks ou encore scandale du Mediator, de nombreuses affaires ont pu être révélées ces dernières années par des lanceurs d’alerte. Cette mise en lumière les expose souvent à des pressions ou menaces des personnes ou administrations concernées. En témoignent les cas de Stéphanie Gibaud, Hervé Falciani ou encore Antoine Deltour dont le procès démarre au Luxembourg le 26 avril. Pour assurer aux lanceurs d’alerte une meilleure protection, le Conseil d’Etat a rendu ses propositions mercredi. Entretien avec Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat.

Quelle définition donnez-vous à la notion de lanceur d’alerte ?

Pour nous, le lanceur d’alerte est une personne qui, confrontée à des faits constitutifs de manquement grave à la loi ou porteurs de risques graves, décide librement et en conscience de lancer une alerte dans l’intérêt général. Cette définition exclut les personnes malveillantes. Et ne couvrira pas non plus les journalistes ou les policiers, dont le métier est la recherche ou la révélation d’informations.

Aujourd’hui, comment sont protégés les lanceurs d’alerte ?

Il y a un ensemble de textes assez dispersés. Il y a eu six lois depuis 2007 qui traitent du statut de lanceur d’alerte, dans des domaines spécifiques : la fraude fiscale, la corruption, la santé publique, etc. Par ailleurs, il n’y a pas de procédure adaptée au recueil d’une information. Nous souhaitons la création d’un texte qui offre une protection transversale aux lanceurs d’alerte.

Que proposez-vous pour améliorer cette protection ?

Nous avons identifié deux axes principaux. Premièrement, dans le traitement de l’alerte : nous voulons que les entreprises s’équipent de canaux internes qui permettent de recueillir des informations. C’est d’ailleurs déjà le cas dans les grosses sociétés. Il n’y aura pas d’obligation légale. Pour les administrations publiques par contre, ces procédures seront exigées. En plus d’un traitement interne, nous souhaitons la mise en place d’un portail national qui serait chargé de recueillir les alertes en souffrance.

Deuxièmement, la protection de la personne concernée intervient seulement à l'étape du juge, c'est trop tardif. Il y a risque d'isolement du lanceur d'alerte. Nous proposons d'élargir les compétences du Défenseur des droits [Jacques Toubon actuellement, ndlr] pour qu'il puisse prendre les mesures nécessaires de protection. Nous pensons à cette institution pour deux raisons : il dispose d'un réseau de correspondants sur tout le territoire et, sauf exception, le secret professionnel ne lui est pas opposable.