A force d'entendre que la construction stagnait en Ile-de-France, on avait fini par oublier qu'elle pourrait remonter un jour. Ce jour, le voilà. «Au cours des douze derniers mois, j'ai signé des permis de construire pour 75000 logements», s'est félicité Jean-François Carenco, préfet de la région Ile-de-France au cours d'un point presse. Ajoutant à cette annonce une petite pique: «Nous avons tellement pris de coups de la part de gens qui disaient que nous étions nuls, archi-nuls que nous pouvons dire aujourd'hui que nous sommes bons, archi-bons.»
Le préfet précise quand même que ce résultat est un succès collectif car «construire du logement, c'est un vaste puzzle dans lequel s'il manque une pièce, ça ne marche pas». Il ne s'inquiète même pas de la curieuse mesure de Valérie Pécresse, la présidente de la région, qui a fait voter une suppression des aides pour le logement très social quand les communes ont plus de 30% de logements sociaux. Soulignant les diverses limites que l'exécutif régional a mis d'emblée à son dispositif, le préfet semble y voir plutôt un affichage politique.
Sur les bons résultats de la construction, il admet aussi que la conjoncture lui est favorable: «Je suis arrivé au moment où beaucoup de mesures avaient été prises. Nous avions le socle.» De plus, Carenco tient à souligner qu'il progresse aussi du côté des communes réfractaires aux 25% de logements sociaux prévus par la loi SRU. Sur 2014 et 2015, sur les 257 communes soumises à cette obligation en Ile-de-France, 193 avaient une obligation de rattrapage. «73% des communes carencées ont produit des logements sociaux», a chiffré le préfet. Il reste 29 maires qui «n'ont pas fait le job» mais «cinq communes sont sorties de la carence» parce qu'elles l'ont bien fait.
Toutefois, construire ne suffit pas. Il faut aussi que les ménages les plus pauvres, ceux qui sont éligibles au Dalo, aient accès à ces logements. Dans la France décentralisée, celui qui loge les pauvres, c'est le préfet, sur son contingent de logements. Du moins en principe. Dans les Hauts-de-Seine, il était d'usage que le préfet transfère son contingent aux maires. Résultat: pas un bénéficiaire du Dalo relogé dans le 92. Carenco compte bien récupérer son contingent. Sophie Brocas, préfète de Paris, a rappelé que 50% des bénéficiaires du Dalo travaillaient. En 2015, la préfecture a relogé 11300 ménages «Dalo», dont 3800 «qui sortaient de centres d'hébergement».
Avec 1200 logements sur Paris, le contingent préfectoral est bien trop petit pour répondre à une demande qui augmente au rythme de 6000 par an. Mais Carenco rappelle qu’il a signé des conventions avec de très gros bailleurs comme la SNI ou Action Logement qui conditionnent les aides à des quotas d’attribution pour les bénéficiaires du Dalo. Le préfet a aussi souligné que la nouvelle loi Egalité et citoyenneté allait lui permettre de reprendre la main dans certains cas.
Ce que l'Association des maires de France n'a guère apprécié. Dans un communiqué publié ce jeudi, elle dénonce des mesures «parfois trop technocratiques et ʺrecentralisantesʺ, notamment au niveau du préfet. En effet, le préfet attribuerait lui-même les logements de manière autoritaire si les objectifs n'étaient pas atteints». Les temps changent.