«C'est ici la commission féministe ?» Foulard coloré sur la tête pour se protéger de la pluie battante, Fabienne, 34 ans, s'approche, un brin hésitante, du petit groupe qui commence à se former place de la République. Comme chaque fin d'après-midi, une quinzaine de personnes de tous âges y parlent parité, combats et difficultés quotidiennes, dans un groupe non mixte. «Cela permet de débloquer la prise de parole des femmes et des personnes LGBT, notamment sur des sujets difficiles comme le viol ; loin des assemblées générales et de leur univers très masculin», salue Samira, 27 ans. Accroupies sous une bâche de fortune, un porte-voix en carton à la main, elles égrènent tour à tour leurs envies, propositions, ras-le-bol. «C'est bien d'avoir un endroit où parler des femmes, de la précarité de leur travail, des solutions possibles», se réjouit une quadragénaire. Au cours de la semaine écoulée ont ainsi été abordés, pêle-mêle, la sécurité des travailleuses du sexe, la place des femmes dans les religions, les inégalités salariales, la lutte contre le sexisme… La commission a d'ailleurs décidé d'un signe à brandir pour pointer tout acte ou parole sexiste dans les AG : un triangle index vers le haut, emblème d'Act up, choisi en mémoire des victimes homosexuelles du régime nazi. Ce jeudi-là, Estelle, rêve «d'actions concrètes : jeter de la peinture rouge sur les machos ? Instaurer une patrouille de vigilance contre les violences verbales ou physiques ? On aurait toutes des anecdotes à raconter sur ce que c'est d'être une femme au quotidien, ou à la Nuit debout», où certaines font état de «mains aux fesses». Fabienne propose pour sa part un atelier sur la sexualité et le genre. «Passé le système éducatif, il ne reste plus qu'Internet, où se mêlent du très bon et de l'horrible, pour se renseigner» , argumente cette ancienne prof de SVT. Elles sont nombreuses, ce jour-là, à venir pour la première fois à la Nuit debout. «On pourrait installer une urne qui recueillerait les questions des uns et des autres de manière anonyme et y répondre ?» propose une jeune femme brune. Banco : un petit groupe de travail décide de plancher sur le sujet dans les jours à venir. Un autre s'organise autour d'un atelier d'écriture, pour créer un «info kiosque féministe» , fait de brochures et «d'écrits qui donnent la pêche», à l'image du King Kong Théorie de Virginie Despentes. Pour René, 27 ans, qui se définit comme «militant trans et féministe», «être ici est un moyen de réfléchir aux combats qu'il nous reste à mener chez nous, en France : faciliter le changement d'état-civil des personnes trans, mettre fin aux mutilations des intersexes… En fait, se réapproprier l'espace public en tant que femme ou trans.»
Féminisme «un endroit où parler des solutions possibles»
Publié le 15/04/2016 à 19h51
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