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Libération
EDITORIAL

Fragile

Nuit deboutdossier
publié le 15 avril 2016 à 20h01

Une protestation ? Oui. Un mouvement social ? Certes, même si le nombre de participants reste limité. Mais surtout un laboratoire. Non pas un laboratoire d'experts patentés, de chercheurs professionnels. Un laboratoire populaire. C'est l'aspect le plus intéressant de Nuit debout, symptôme fragile mais éminemment positif de la réhabilitation de la politique hors de la politique traditionnelle. Changer le monde sans prendre le pouvoir : telle pourrait être la devise de ce mouvement qui se méfie comme de la peste du jeu électoral ou parlementaire. Depuis Seattle au moins, en passant par Porto Alegre, le mouvement altermondialiste s'emploie à mettre en œuvre cette stratégie. Parfois avec succès : la prise de conscience écologique, la recherche de solution urbaines neuves, le développement de la vie associative, la politique du genre, la lutte contre les discriminations ou le lent changement des esprits vers une société plus sobre et plus solidaire lui doivent beaucoup. Nuit debout continue ce processus plusieurs fois décennal. La mise au premier plan de l'idée de «revenu de base», longuement plaidée dans Libération et qui autoriserait une avancée décisive dans la lutte contre la grande pauvreté et l'exclusion, forme l'une des utopies les plus envisageables. L'introduction d'une part de tirage au sort dans la désignation des représentants locaux ou nationaux bouscule les routines de la démocratie représentative et fait réfléchir sur l'égalité des droits. Avec ce paradoxe à la clé : pour créer un revenu de base ou modifier les règles électorales, il faut passer par des lois. Or, qui peut voter les lois en question, sinon des représentants élus de la population ? Un laboratoire imagine des prototypes. Pour passer à la production en série, il faut toujours un organe collectif. Autrement dit il faut établir des passerelles entre politique nouvelle et politique traditionnelle…