La portée (et donc le succès) d'une émission politique se mesure aussi à son audience. En ce domaine, François Hollande et France 2 ont loupé le coche, jeudi. Alors que son Dialogue citoyen a commencé à 20 h 15, mordant sur l'horaire habituel du JT, ce qui aurait dû en favoriser le nombre de téléspectateurs, seuls 3,74 millions de Français ont jugé utile ou intéressant d'écouter la parole du chef de l'Etat. A l'Elysée, vendredi, on minimisait l'échec en soulignant que lors de son passage en février à Des paroles et des actes, le rendez-vous politique de France 2 diffusé le jeudi soir, Nicolas Sarkozy en avait attiré 2,7 millions. Un peu court.
Dans ce qui est apparu davantage comme une opération de survie qu’un moment de reconquête, François Hollande avait pour urgence de montrer qu’il était encore dans le coup, et même au centre du jeu alors qu’il est plus que jamais dans les tréfonds sondagiers à un an du premier tour de la présidentielle. Alors que l’enjeu pour lui, s’il est bien candidat, sera de se qualifier pour le second tour, ce qui nécessitait de parler en premier lieu à son électorat largement perdu. Et s’il n’a rien renié des mesures engagées, quitte à faire passer le pacte de responsabilité pour un dispositif ayant aussi vocation à aider les entreprises à augmenter les salaires, il s’est plus que d’habitude placé du côté des salariés.
Ça ne va pas encore «bien», mais ça va déjà «mieux», a martelé le chef de l'Etat. Refrain déjà entonné la veille par Julien Dray, son ami de trente ans : «On est en train de réussir économiquement et visiblement, personne ne s'en rend compte». Sonnant comme une méthode Coué, que plusieurs indicateurs viennent toutefois valider, ce discours positif de François Hollande risque surtout d'apparaître comme un dangereux déni de réalité, particulièrement auprès de Français dans la nasse alors qu'il y a 700 000 chômeurs de plus qu'en 2012.
«Les Français ne vont pas encore mieux mais la France va mieux», a précisé Jean-Christophe Cambadélis vendredi matin. Ajoutant : «Pour aller mieux, il faut deux quinquennats de François Hollande.» Lequel a, selon le Premier secrétaire du PS, «posé un arc pour la prochaine campagne». On peut le résumer ainsi : la défense du modèle social français, à nul autre pareil, quitte à le moderniser, plutôt que son démantèlement violent par une droite de retour au pouvoir en 2017.
Alors que François Hollande a de nouveau indexé sa candidature sur l'inversion de la courbe du chômage, reconnaissant que s'il devait prendre sa décision aujourd'hui le compte n'y serait pas, il a surtout confirmé qu'il ferait part de sa décision «à la fin de l'année». Autrement dit, et l'inverse aurait été étonnant, après la primaire de la droite, fin novembre. Il est toujours plus confortable de se déterminer quand on connaît son adversaire principal. Reste à savoir si Hollande laissera aussi passer la primaire des gauches et de l'écologie prévue mi-décembre…
Jeudi soir, il est apparu en technocrate compétent égrenant le chapelet des réformes engagées depuis le début du quinquennat sans parvenir à apparaître comme un leader qui a une vision donnant de la cohérence à son action et ciblant un horizon à la fois commun et désirable. Hollande a tenté de se reconnecter avec sa gauche, sans toutefois renverser la table. Il y a urgence : seuls 45 % de ses électeurs de 2012 referaient le même choix en 2017.