Les militants anticorrida attendaient ce moment depuis quatre ans et demi. La justice a été si longue à passer dans cette affaire que certains sont morts entre-temps et que leur leader, Jean-Pierre Garrigues, président du Comité radicalement anticorrida (Crac), est tombé gravement malade depuis les faits. Il n’a pu assister ni aux débats qui se sont tenus les 14 et 15 janvier ni au verdict que vient de rendre le tribunal correctionnel de Nîmes, jeudi. Lequel a reconnu coupables dix-sept des dix-huit aficionados accusés de violences lors du lynchage qui s’est déroulé le 8 octobre 2011, à Rodilhan, un village situé près de Nîmes (Gard).
Ce jour-là, 70 militants anticorrida envahissent les arènes afin d’empêcher la tenue du spectacle, et s’enchaînent les uns aux autres sur la piste. Une fois la surprise passée, les organisateurs entreprennent de les évacuer. Les militants, incapables de riposter sont insultés, frappés, violentés, malmenés : durant une vingtaine de minutes, les arènes de Rodilhan deviennent le théâtre d’un incroyable déchaînement de violences, discrètement filmées par des militants anticorrida infiltrés parmi les spectateurs.
Ces images qui, depuis, ont fait le tour du monde, ont été projetées lors du procès des dix-huit prévenus. On y voit notamment un certain Roger Savarin, 71 ans, agresser à lui seul onze personnes, en s’aidant du puissant jet d’une lance à incendie. Ou Serge Reder, le maire de Rodilhan, descendre dans l’arène pour mettre lui-même la «main à la pâte». Le premier a été condamné à douze mois de prison dont six mois ferme, et à 1 000 euros d’amende. Le second devra, quant à lui, s’acquitter de 1 500 euros d’amende. Au total, dix aficionados sont condamnés à une peine de prison, dont deux à de la prison ferme (sanctions qui bénéficieront probablement d’un aménagement de peine) ; la plupart se voient infliger de 500 euros à 1 500 euros d’amende.
Me Françoise Delran, qui représentait dans cette affaire une trentaine de parties civiles, se dit «déçue mais pas étonnée» par ce verdict qu'elle juge trop clément, d'autant que la circonstance aggravante de violence en réunion n'a pas été retenue : «Voilà qui ressemble un peu à un jugement de Salomon. On demande aux deux clans de se calmer, de ne plus faire de vagues…» Roger Lahana, vice-président du Crac, s'estime quant à lui «globalement satisfait» : «Ce jugement dit au moins une chose : on n'a pas le droit de frapper des gens, même si on est en désaccord avec eux.»
Me Ludovic Para, défenseur de six aficionados, constate pour sa part que «les sanctions prononcées sont inférieures aux réquisitions du ministère public, sauf en ce qui concerne le président du Crac qui voit sa peine doublée, puisque seuls deux mois de prison avaient été requis contre lui». Jean-Pierre Garrigues a en effet été condamné à quatre mois de prison avec sursis et à 2 000 euros d'amende pour avoir organisé une manifestation non déclarée.