Si la scène, avec un tel casting, était prévisible, elle n'en apparaît pas moins navrante. Les images montrant le philosophe et polémiste réactionnaire Alain Finkielkraut se faire cracher dessus et insulter alors qu'il tentait de passer une tête samedi soir à la Nuit debout parisienne, place de la République, mettent évidemment mal à l'aise. Pour ce qu'elles montrent : une scène d'intolérance primaire. Mais aussi pour l'usage qui en est fait, à droite et à l'extrême droite, depuis leur diffusion à la vitesse des réseaux sociaux. Finkielkraut lui-même affirmant quelques minutes après sa sortie chahutée : «On a voulu purifier la place de ma présence.» Rien que ça. Jugeant ensuite qu'il se serait fait lyncher sans l'intervention de quelques personnes, l'Académicien a précisé qu'il était là pour observer de ses yeux la Nuit debout, sans «le filtre» des médias, et qu'il n'était même pas venu pour faire valoir ses idées. Il n'a toutefois pas hésité, en retour, à balancer lui aussi des «fascistes» à ses contempteurs.
Cela paraît bête à écrire, mais Finkielkraut, dont les idées ne sont évidemment pas celles des participants de Nuit debout, avait pleinement le droit de se pointer sans bristol à République, en simple spectateur. Les acteurs du mouvement avaient, eux, tout autant le droit de lui signifier individuellement leur hostilité à sa présence. Quelle surprise, d’ailleurs, que cette réaction excessive de quelques-uns sur une place où même les responsables de la gauche dite de gouvernement, qui l’observent avec bienveillance, évitent pour la plupart de se rendre physiquement. Mais quelques heures après le passage d’un Varoufákis forcément mieux accueilli, qu’espérait donc Finkielkraut, libre de ses allées et venues mais suffisamment lucide pour anticiper les réactions que sa présence à Nuit debout ne pouvait que susciter ? Quand des politiques vont au Salon de l’agriculture ou aux abords d’un cortège en sachant qu’ils vont se faire chahuter, on comprend bien pourquoi, mais là ?