La lutte contre la corruption ne fait pas partie de leurs priorités. Pour la majorité des multinationales (59 %) interrogées par le cabinet d'avocats Hogan Lovells, mieux vaut prôner une culture dans laquelle les «bénéfices priment sur la prévention». 44 % d'entre elles n'inscrivent d'ailleurs pas cette préoccupation à l'ordre du jour de leur conseil d'administration.
Publiée ce lundi, cette étude a été menée auprès de plus de 600 directeurs juridiques et responsables de la conformité, répartis au sein d’entreprises internationales en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. La majorité d’entre eux (57 %) affirment que des opérations importantes ou que certaines parties de l’activité de leur entreprise échappent à leur contrôle.
La pression de la compétitivité pointée
Eux-mêmes sont compréhensifs. Une grosse moitié des personnes interrogées (53 %) estiment que certaines procédures empêcheraient leurs collaborateurs «d'accomplir leur travail» correctement. La même proportion y voit une source de complications susceptibles d'entraver les activités de l'entreprise.
C’est avant tout la peur de la concurrence qui dissuaderait les entreprises de mettre en place des dispositifs de lutte contre la corruption. 57 % des responsables interrogés pointent la pression commerciale comme l’un des principaux défis à relever pour réduire les risques. Un peu moins des deux tiers (59 %) assurent que leurs collaborateurs ont peur de perdre leur emploi s’ils n’atteignent pas leurs objectifs.
La France à la traîne
Dans le domaine, la France est loin d’être un modèle. Plus de la moitié des responsables français interrogés (52 %) affirment que ce sujet n’est pas une priorité pour leur PDG. Au Royaume-Uni, ce chiffre descend à 45 %. Aux Etats-Unis, il tombe à 28 %.
Fin 2014, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a d'ailleurs jugé la situation de la France «préoccupante». Peut-être est-ce là l'une des raisons qui ont poussé Michel Sapin à mettre sur pied sa loi de lutte contre la corruption. «Là où nous avons des mauvaises notes, c'est sur des faits de corruption commis par nos entreprises à l'étranger pour obtenir des marchés, expliquait ainsi le ministre des Finances à Libé, en mars. Force est d'admettre que nous ne les poursuivons pas, ne les condamnons pas, contrairement aux Etats-Unis.»
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Déjà présentée en Conseil des ministres, la loi dite «Sapin II» a vocation à renforcer un «arsenal juridique inefficace», selon le ministre. Elle prévoit la création d'une Agence nationale de détection et de prévention de la corruption, dotée d'un pouvoir d'enquête. Elle devrait également obliger les grandes entreprises à mettre en place un dispositif de prévention de la corruption. Les parlementaires doivent désormais se saisir du projet de loi.
Le rapport en intégralité (en anglais) :