Eviter à tout prix la perspective d’un procès. Depuis des mois, la ligne de défense de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bismuth, pour laquelle l’ancien président est triplement mis en examen et risque l’inégibilité pure et simple, n’a pas varié d’un iota. Après avoir soulevé (en vain) la nullité des écoutes, déposé une question prioritaire de constitutionnalité, demandé le dessaisissement d’une des juges en charge du dossier et déposé une flopée de requêtes en nullité, le clan Sarkozy use des dernières possibilités offertes par le code de procédure pénale pour retarder l’échéance et éviter un renvoi en correctionnelle, catastrophique en termes d’image.
Les juges Patricia Simon et Claire Thépaut ayant notifié la fin de leur instruction début février, le parquet a en théorie jusqu’à début juin pour prendre ses réquisitions et ouvrir la voie à un procès. Mais ce délai pourrait être encore repoussé de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois.
Selon nos informations, l'avocat Thierry Herzog, également mis en examen, a demandé fin mars à être à nouveau entendu par les juges, comme le lui permet l'article 175 du code de procédure pénal. Une pirouette procédurale révélatrice des manœuvres dilatoires qui émaillent le dossier depuis des mois. Convoqué en octobre, Me Herzog était en effet resté muet tout au long de son interrogatoire, puis avait laissé le soin à ses avocats de déposer une requête en nullité contre son audition, jugée irrégulière. Selon le pénaliste et ses conseils, aucun acte d'enquête n'aurait dû être réalisé tant que la Cour de cassation ne s'était pas prononcée sur le fond, d'où le silence opposé cet automne aux juges d'instruction. Les écoutes ayant depuis été validées par la juridiction suprême, Me Herzog a soudainement manifesté son désir de s'expliquer à son tour sur le fond. Les juges ont désormais jusqu'au 23 avril pour l'entendre (ou motiver leur refus de le faire, hypothèse fort peu probable). Ensuite, elles devront une nouvelle fois notifier la fin de leur instruction, et ainsi ouvrir un nouveau délai de trois mois pour les réquisitions du parquet. Par ailleurs, trois ultimes requêtes en nullité doivent encore être examinées par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui tranchera le 9 mai. Si elles étaient rejetées, les avocats de Nicolas Sarkozy pourraient encore se pourvoir en cassation.
En théorie, ces requêtes ne sont pas suspensives, pas plus que le recours sur la validité des écoutes devant la Cour européenne des droits de l’homme, et le parquet peut parfaitement prendre ses réquisitions sans attendre qu’elles soient purgées. Dès lors, les parties auront encore un délai d’un mois pour formuler des observations écrites. Elles pourront également, cas rarissime, faire appel de l’ordonnance de renvoi des juges. C’est seulement à l’issue de cette période que le parquet devra trouver une date pour audiencer l’affaire, au plus tôt en novembre. Et sans doute créer une nouvelle polémique.