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«1 000 jours en mars», le futur à écrire de Nuit debout

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Le 31 mars, le collectif d'écrivains d'anticipation Zanzibar a lancé un projet d'écriture pour imaginer collectivement les «un-peu-moins de trois années qui arrivent». En ligne ou avec papiers de bois sur les places occupées.
«Demain est annulé». Image issue du compte du groupe Facebook de «1000 jours en mars» (DR)
publié le 19 avril 2016 à 8h46

Faisons un peu de politique-fiction. Coulons-nous dans le nouveau calendrier instauré par Nuit debout, qui part du 31 mars. Le deuxième tour de la présidentielle en 2017, ce sera donc le 434 mars. «434 mars : Second tour de l'Élection Présidentielle. Le Mouvement Blanc Profond occupe par surprise 2024 bureaux de vote partout en France et refuse de livrer les urnes. Les résultats ne peuvent pas être proclamés. Marine Le Pen hurle au viol démocratique et au complot juppéo-macronique. Alain Juppé, assuré de gagner, devient plus blanc qu'un tract de Blanc Profond. Dans une guerilla homérique, la police parvient à libérer les bureaux de vote mais toutes les urnes ont brûlé. L'Élection est invalidée, Hollande reste président par intérim, fantôme et fantoche, la rue prend le pouvoir. La sixième République est en marche.» Le projet 1000 jours en mars propose à tous ceux qui veulent de choisir un jour sur les trois ans qui viennent, entre demain et le 1000 mars 2016, et d'écrire «ce qui s'y passe, comment on y vit, ce qui a changé ou est resté le même». Sur le pad ou par le groupe Facebook qui compte plus de cent participants.

«Dès le 31 mars et cette idée que mars n'allait pas s'arrêter, nous avons lancé les 1000 jours en mars», raconte Norbert Merjagnan, un des écrivains du collectif Zanzibar qui compte d'autres figures de la science-fiction contemporaine comme Alain Damasio, Léo Henry ou Catherine Dufour. Le projet, dont les textes sont diffusés sur Radio debout, s'affirme comme de la science-fiction en prise directe avec le réel, un endroit où formuler des espoirs, des attentes, des craintes. «Quelque chose qui soit ni lénifiant ni morbide, poursuit l'écrivain. Parler de voléances à la place de doléances, qui parle de vouloir et de désir plutôt que de plaintes.» Ce nouveau territoire d'écriture à mille mains se présente comme une forme de minéralisation de ce qui se passe à Nuit debout, un objet durable.

«Ras le bol»

Derrière cet appel à imaginer l'avenir se trouve un nouveau collectif, Zanzibar. Pourquoi Zanzibar? A la fois une référence au roman culte de SF paru en 1968 du Britannique John Brunner, et simplement un mot qui ouvre vers l'extérieur. Une grande partie de ses membres a publié à La Volte. Une sorte d'alchimie s'est produite autour de cette maison d'édition indépendante, avec des échanges fructueux entre auteurs. «On en a eu ras le bol d'entendre les futurs monocordes déroulés par les conseils des agences en prospective, des médias et des politiques. De se retrouver face à un futur préempté sur une cinquantaine d'années», explique Norbert Merjagnan.

Fomenté depuis un an et demi, Zanzibar se donne comme programme de «désincarcérer le futur». Autrement dit d'écrire des futurs alternatifs, moins attendus que ce l'on entend habituellement. Au-delà du sens, le collectif veut réinventer des formes de publications hors des traditionnels romans et recueils, en explorant des textes en mode pliage, en mode affiches dans la ville ou en mode «perférence». Ainsi, le collectif Zanzibar intervient à l'European Lab 2016 (du 4 au 6 mai à Lyon) lors d'un rendez-vous quotidien avec un tabloïd à écouter pendant 16 minutes. Le collectif a également été sollicité par la Biennale du design de Saint-Etienne 2017 pour plancher sur les mutations du travail. «On a presque exploré toutes les dystopies sur le sujet et imaginé le travail dans les vingt à trente prochaines années», avance Norbert Merjagnan.

Les textes produits par le collectif ne sont pas signés. Cela n'empêche pas les auteurs de publier sous leur nom par ailleurs. Tous ne sont pas forcément d'accord entre eux. «Mais les divergences sont bien venues et ontologiques. C'est le principe du multivers, le divers même contradictoire peut coexister», souligne l'écrivain. C'est l'énergie qui se dégage du collectif qui prime. Même principe pour son satellite 1000 jours en mars, de la matière brute à partager: «Tout ce qui en retombe vous appartient. Si vous savez quoi en faire, prenez sans demander : il n'y a rien à voler.»