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Fiscalité

L'ISF n'est pas la tasse de thé de Macron

Le ministre de l'Economie, qui a exprimé sa réticence vis-à-vis de l'impôt de solidarité sur la fortune, s'est fait recadrer par Manuel Valls.

Manuel Valls et Emmanuel Macron, à l'Elysée, le 9 mars. (Photo Alain Jocard. AFP)
Publié le 20/04/2016 à 13h02

Volonté de s'éviter une remontrance du couple exécutif ou souci de ménager un électorat socialiste qui lui accorde de plus en plus volontiers ses faveurs ? C'est avec précaution qu'Emmanuel Macron exprime sa réticence vis-à-vis de l'ISF (impôt de solidarité sur la fortune), impôt sur le patrimoine dont la gauche a fait sur le dernier quart de siècle un de ses marqueurs en matière de fiscalité. Dans la revue spécialisée Risques – la Bible des professionnels de l'assurance – publiée ce mois-ci, le ministre de l'Economie avance néanmoins ses pions. «Je pense que la fiscalité sur le capital actuel n'est pas optimale, indique-t-il. Si on a une préférence pour le risque face à la rente, ce qui est mon cas, il faut préférer la taxation sur la succession aux impôts de type ISF.» La phrase ayant été relayée par les medias, son cabinet s'empresse de déminer : «Il ne s'agit ni d'un effet d'annonce ni d'un banc d'essai, ni d'une volonté du ministre de supprimer l'ISF d'ici la fin du quinquennat.» Macron ne ferait là qu'exprimer sa «philosophie», toute libérale.

La première partie de sa proposition ne prête pas à polémique : la taxation des successions, parce qu’elle limite la perpétuation de génération en génération d’inégalités patrimoniales préjudiciables à l’égalité des chances, est un outil revendiqué par les libéraux, mais aussi par la gauche. Le gouvernement Hollande l'a d'ailleurs lui même utilisé. Revenant en partie sur les allégements de droits décidés dans le cadre de la loi TEPA par Nicolas Sarkozy, la majorité avait, dès l'automne 2012, abaissé de 159 000 à 100 000 euros par enfant l’abattement sur les droits de succession (c’est-à-dire la partie d’un héritage ou d’une donation que chaque parent peut transmettre en échappant aux droits de mutation à payer à l’Etat). Néanmoins pour la gauche, et contrairement aux libéraux, cet alourdissement n'implique nullement un allégement de l'ISF, autre impôt sur le patrimoine.

Un avis que ne partage à l'évidence pas Macron. A l'instar du président du Medef Pierre Gattaz qui, en 2014, avait réclamé la suppression de l'ISF, le ministre de l'Economie voit surtout dans cet impôt un frein à l'initiative privée. «L'impôt sur la fortune frappe un enrichissement personnel qui inclut une prise de risque», tente de justifier son entourage. En clair, même si l'ISF touche peu le capital entrepreneurial, il découragerait les riches investisseurs, et entraîneraient leur fuite hors de l'Hexagone. Pour le très pragmatique Macron, le symbole ne vaut pas telle pénitence. Reste qu'une supression, à recettes constantes pour l'Etat, de l'ISF, qui rapporte quelque 5 milliards d'euros chaque année aux finances publiques, obligerait à augmenter les droits de successions (environ 10 milliards par an) de 50%...

En tout cas, si le promoteur de En Marche ! ne recherchait pas la polémique, c'est raté. Sur France Info, Manuel Valls a recadré le débat : «Supprimer l'impôt sur la fortune, qu'on peut toujours améliorer, rendre plus efficace d'un point de vue économique, serait une faute.» Et le Premier ministre d'ajouter, en guise d'énième avertissement à Emmanuel Macron : «Je demande à chaque ministre, puisqu'il reste encore un an, d'être pleinement attelé à sa fonction, à sa mission.»