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Libération

Droit d’alerte : un rapport raccord

Le Conseil d’Etat pointe dans une étude récente que le cadre légal ne protège pas les lanceurs d’alerte contre les représailles. Les parlementaires pourraient s’inspirer des améliorations proposées.
publié le 24 avril 2016 à 21h01

C'est ce qui s'appelle tomber à pic : au cœur d'une actualité qui remet en lumière les lanceurs d'alerte, le Conseil d'Etat a publié, le 13 avril, une étude intitulée «Droit d'alerte : signaler, traiter, protéger». Commandée en juillet 2015 par Manuel Valls, elle vise autant à «dresser un bilan critique» de l'existant qu'à proposer des améliorations. Et il y a du pain sur la planche. Certes, la loi française n'est pas muette sur le sujet : depuis 2007 surtout, plusieurs textes - lutte contre la corruption, sécurité des produits de santé, expertise en matière de santé et d'environnement, transparence de la vie politique, lutte contre la fraude fiscale, renseignements - s'y sont attelés. Problème : dans les faits, le déploiement des procédures d'alerte est «limité et parcellaire», constate-t-on place du Palais Royal. Surtout, le cadre actuel, éparpillé, ne garantit pas aux lanceurs d'alerte une protection contre les représailles dont ils font le plus souvent l'objet. A son tour, la plus haute juridiction administrative plaide donc pour un «socle commun» - c'était l'objet de la proposition de loi du socialiste Yann Galut (lire ci-dessus). Lequel définirait ce qu'est un lanceur d'alerte, et préciserait tant les canaux de signalement et de traitement que les mécanismes de protection, en privilégiant dans un premier temps, comme la jurisprudence européenne, l'alerte interne. Sont proposées la création d'un «portail unique» en ligne, pour ceux qui auraient épuisé les voies internes et ne sauraient pas à qui s'adresser ensuite, ou encore l'extension des missions du Défenseur des droits. Reste que la partie la plus cruciale est aussi la plus délicate : préciser, par des lois sectorielles, dans quelles conditions le droit d'alerte peut permettre de déroger aux divers secrets - médical, fiscal… - sans risquer de poursuites. C'est bien là «l'angle mort» des dispositifs existants, juge Nicole-Marie Meyer, chargée de mission à Transparency International, qui a participé aux travaux menés par le Conseil d'Etat.

Pour elle, cette étude est le «premier rapport fondateur en droit français». Et si elle regrette que la définition de l'alerte se limite aux signalements de «manquements graves à la loi» ou de «risques graves» - quand le Conseil de l'Europe ou la proposition Galut l'étendent à «des menaces ou un préjudice pour l'intérêt général» -, elle n'en souligne pas moins la volonté d'avancer autrement que suite à des scandales. Alors qu'il reste «peu de mois avant la présidentielle» et que beaucoup pourrait se jouer lors de l'examen de la loi Sapin II, le point d'appui est en effet bienvenu.