Ah qu'il tombe bien ce «méga contrat» de 34 milliards d'euros décroché par DCNS pour la construction de 12 sous-marins australiens… A l'heure où l'exécutif martèle l'idée que ça «va mieux» et qu'il faut «être fier de la France», voilà un secteur - la vente d'armes - où le gouvernement socialiste excelle depuis quatre ans. En 2015, 16 milliards d'euros de contrats ont été signés, soit - déjà - le double de ce qui avait été paraphé l'année d'avant. Pour fêter cette signature, François Hollande a bousculé son agenda mardi pour se rendre au siège de DCNS à Paris et vanté le motif d'«espoir» de cette vente. D'autant que ce coup-ci, contrairement à d'autres contrats récents, «ça fait plaisir de vendre à un pays qui n'est pas une dictature», souligne François Heisbourg, conseiller spécial de la Fondation pour la recherche stratégique.
«Discrétion». «C'est une reconnaissance de la puissance de la France, de sa dimension mondiale, a claironné le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, devant les députés. C'est la victoire d'une méthode, la discrétion d'abord.» «Contrairement à Sarkozy, Le Drian annonce les bonnes nouvelles après l'accord de principe et non avant, ironise le député PS du Morbihan, Gwendal Rouillard, proche de Le Drian. C'est son côté taiseux breton, et ça nous va bien.» Cette «méthode» Le Drian a été choisie par Hollande avant même son élection, demandant à cet ami fidèle de se préparer à exercer à l'hôtel de Brienne. En 2013, la création, sous son autorité, d'un comité ministériel des exportations de Défense (Comed) a permis aussi de mettre administration centrale et dirigeants industriels autour d'une même table pour le bien de l'armement made in France. Le Drian répète aussi régulièrement qu'il n'est pas là pour «discuter du détail des contrats et des prix». «Mon rôle, c'est le partenariat stratégique avec les pays alliés, ce qui suppose d'aller voir très souvent leurs dirigeants», expliquait-il en 2015 à Libération. François Hollande a gentiment plaisanté mardi sur le sujet lors de son allocution au siège de DCNS : «Il n'a pas ménagé sa peine. Il est tout le temps en voyage, et c'est pour la bonne cause.»
Et ça marche : 6,3 milliards d’euros pour 24 avions Rafale au Qatar ; plus de 6 milliards venus d’Egypte pour 24 Rafale, une frégate multimissions et les deux Mistral que la France a refusé de livrer à la Russie, pour cause d’invasion de l’Ukraine ; 2,2 milliards, de fourniture d’armements pour le Liban ; 3 milliards pour 50 hélicoptères Caracal pour la Pologne…
«Cocardiers». Mais même s'il s'agit ce coup-ci de renouveler la flotte sous-marine australienne, certains, à gauche, s'interrogent sur ce concert de félicitations à chaque fois que la France vend des machines de guerre. «Si, maintenant, notre seul savoir-faire industriel devient la vente d'instruments de mort, c'est quand même problématique, regrette la députée verte Danielle Auroi, membre de la commission de la défense à l'Assemblée. Je préférerais que nos dirigeants soient plus cocardiers et efficaces en matière d'énergies renouvelables.» «Que les critiques se fassent lorsqu'il s'agit de pays comme l'Egypte, concernant les droits de l'homme, c'est normal, et elles sont d'ailleurs répercutées par le Président, défend Gwendal Rouillard. Mais si nous choisissons d'avoir des relations diplomatiques et des partenariats stratégiques avec ces pays, alors il nous faut assumer l'ensemble de cette politique.»