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Libération
2017

Dans «Die Zeit», Macron continue son petit «je» médiatique

On a lu l'interview du ministre de l'Economie dans l'hebdo allemand. Une preuve de plus, s'il fait vraiment ça pour «les idées», qu'il est temps, pour lui, de sortir de l'ambiguïté.
Emmanuel Macron à Paris, le 2 mars 2016. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
publié le 28 avril 2016 à 16h36

«Encore une !» diront certains socialistes. A lire les propos d'Emmanuel Macron tirés d'une interview à l'hebdomadaire allemand Die Zeit et repris par certains médias français, voilà le ministre de l'Economie qui provoque (une énième fois) ses camarades du gouvernement et se prend à rêver de candidature élyséenne : «Ce qui me motive, c'est de dessiner l'avenir de mon pays. Pour cela, l'élection présidentielle est le moment décisif. Les idées viennent avant les personnes», répond Macron. Sauf que lorsqu'on lit la question posée, cette sortie paraît tout de suite moins provocatrice : «Monsieur Macron, vous laissez pour l'instant ouverte la question de savoir si vous êtes vous-même candidat ou bien si vous faites cela avant tout pour porter dans la campagne électorale les idées de votre mouvement. Qu'est-ce qui vous amène au juste à une telle grande manœuvre politique ?»

Attention médiatique

Alors, certes, Emmanuel Macron ne referme pas l'hypothèse présidentielle. Pourquoi, d'ailleurs, le ferait-il puisque ça marche ? On lui tend les micros. Il est devenu le phénomène politique français du printemps dont on parle aussi en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Belgique. Et si François Hollande lâche l'affaire avant 2017, il aura déjà mis en route sa petite entreprise électorale. Mais lorsqu'on lit cette interview au long, le ministre passe bien moins pour un candidat potentiel que pour quelqu'un souhaitant profiter de l'attention médiatique dont il dispose en période pré-présidentielle pour jeter dans le débat public plusieurs sujets : de «nouvelles formes personnelles de protection sociale», la «refondation de l'Europe», le «devoir historique» de sa «génération».

A la limite, la seule provocation dans cette interview réside dans sa réponse sur les réfugiés. Le journaliste lui fait remarquer que Manuel Valls souhaitait «stopper l'accueil des migrants en Allemagne» avec ses propos tenus lors d'une visite à Munich : «Pour moi, la chancelière a eu raison avec sa politique sur les réfugiés. Elle a fait preuve de courage et d'endurance et, comme la France, s'est engagée en faveur d'une solution européenne.» Aucun mot sur le Premier ministre. «Nous ne vivons plus dans une bulle, poursuit le ministre de l'Economie. La crise financière, le terrorisme, les réfugiés : cela nous concerne tous. La politique doit expliquer cela, sans émotions, et, avant toute chose, répondre à son devoir moral.»

La «phrase sortie de son contexte»

Mais voilà, Emmanuel Macron vient d'atteindre depuis plusieurs jours les limites de son omni-communication. Désormais surmédiatisé, ayant laissé s'installer le doute sur ses intentions présidentielles, chacune de ses sorties, chacun de ses propos seront désormais observés à l'aune de ses ambitions électorales. Et le sens de ce qu'il aura à dire sera, dans chacune de ses interviews, totalement camouflé par la «phrase sortie de son contexte», comme il dit. Et inutile de rendre les médias responsables : Macron et son entourage bardé de communicants savent très bien comment le système médiatique fonctionne. A moins que – justement – cette stratégie serve ses propres intérêts. Dans ce cas, il peut difficilement se plaindre après chaque dépêche ou article, et expliquer «que certains souhaitent affaiblir le président de la République». A lui de ne pas laisser s'installer une quelconque ambiguïté.