Se structurer pour essayer de peser sur le débat public ? Se radicaliser au point de ne jamais dépasser les abords des places occupées à Paris et en province ? Près d'un mois après le début de la mobilisation, Nuit debout est à un tournant de sa très jeune histoire. Nous n'avons pas la prétention de savoir quelle solution est la plus pertinente pour garantir, non pas la pérennité du mouvement, mais la diffusion de ses idées et propositions au plus grand nombre, la contagion de cette aspiration collective à penser la politique et l'action citoyenne autrement. Aucun chemin ne semble plus facile qu'un autre, car il s'agit par nature d'une construction éphémère. S'adosser à un syndicat, comme le prônent certains, c'est prendre le risque de rentrer dans le rang d'une organisation hyperverticale là où le fonctionnement des AG repose sur l'horizontalité des échanges et des prises de décision. Prolonger le débat sans fin, c'est donner l'impression d'un mouvement perpétuel qui ne débouche pas sur des actions concrètes et risque de lasser le plus grand nombre. Quoi qu'il arrive, l'impact réel de Nuit debout ne se mesurera pas forcément à aussi court terme. Occupy Wall Street et le mouvement des Indignés ont été des étapes qui ont permis l'émergence de forces politiques offrant de nouvelles alternatives. En Espagne, on est parti d'un même fonctionnement assembléiste pour déboucher sur une propagation des idées dans les universités, les conseils de quartier, les assemblées locales… partout où cette envie participative pouvait se développer et dont Podemos a pu se nourrir pour éclore en nouvelle force politique. Comme l'expliquait la philosophe Chantal Mouffe dans nos colonnes, de tels mouvements permettent avant tout de renouer avec une vision conflictuelle de la démocratie, où les idées s'affrontent en dehors de ce consensus qui s'impose à nous pour notre bien supposé. Ainsi, si la place de la République venait à se vider, ce ne serait pas si grave. «Naître, c'est seulement commencer à mourir», disait Théophile Gautier. Avec Nuit debout, l'inverse pourrait être vrai.
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