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Libération
A la barre

Arnaque au CO2 : «On va passer un mois ensemble, vous préférez qu’on vous appelle Marco ?»

Le tribunal correctionnel de Paris se penche depuis ce lundi sur le «casse du siècle».

Le tribunal correctionnel de Paris. (Photo Joël Saget. AFP)
Publié le 02/05/2016 à 17h05

«Nous nous réjouissons de voir présents la majorité des prévenus.» Le président du tribunal en charge de juger l'affaire du CO2, Peimane Ghalehh-Marzban, fait mine de se réjouir à l'ouverture, lundi après-midi, du procès du «casse du siècle» (lire Libération de lundi) au tribunal correctionnel de Paris, car tous ne sont pas en fuite en Israël. Sauf quand l'un d'entre eux, promettant de se présenter à la justice de son pays, prétexte d'un retard – par avocate interposée.

On passe très vite sur la déclinaison d'identité des prévenus, en s'arrêtant un instant sur le cas de Mardoche Mouly, dit Marco, le plus gros poisson à la disposition du TGI de Paris – en l'absence de Samy Souied, présenté par l'accusation comme «l'organisateur» de cette vaste arnaque à la TVA –, malheureusement mort sous les balles en 2010 sur fond(s) de partage du butin. Le président, fort aimable : «On va passer un mois ensemble, vous préférez qu'on vous appelle Marco ?» Mardoche opine du chef, avant de manifester son incompréhension vis-à-vis des poursuites pénales diligentées à son endroit, sous la double incrimination d'escroquerie et blanchiment :

«Y’aura deux condamnations ?

– Le président, pédagogue : les deux incriminations feront l’objet d’un seul et même jugement.

– Marco, résigné : y’aura pas deux relaxes.

– Vous ne méconnaissez pas ces problèmes de droit…

– J’ai trois affaires en cours, en même temps que celle-là.

A ce propos, son avocat, Serge Kierszenbaum, plaide d'entrée de jeu une question prioritaire de constitutionnalité, en raison du saucissonnage des différentes arnaques au CO2 (décidé pour éviter d'aboutir à un procès de masse). «Mon client, alors détenu, a été cité comme témoin dans un premier procès. Le tribunal a refusé de l'entendre au motif qu'il est mis en examen dans notre volet. Les bras m'en tombent !» Ce genre de QPC a au moins le mérite de suspendre immédiatement le procès, le temps que le tribunal ne prenne une nuit de réflexion.

En attendant, les avocats de la défense ont d'autres récriminations plus prosaïques, compte tenu de l'exiguïté de la salle d'audience. «On aimerait pouvoir travailler normalement, ne serait-ce qu'avec une table devant nous», «le dossier de 50 tomes a été numérisé mais il n'y a pas de prises dans ce tribunal»… Le président compatit, n'étant pas maître de la logistique judiciaire. Eloigné sur un banc étroit, serré parmi ses voisins, Me Jean-Marc Fédida prophétise : «J'espère que la défense aura plus de place dans ce procès qu'elle n'en a dans la salle.» C'est en tout cas parti sur les chapeaux de roue.