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Analyse

L’encadrement du candidat Hollande rapidement passé à la trappe

La lutte du Président contre «l’indécence» n’est pas allé plus loin que les entreprises publiques. Le privé n’ayant comme cadre qu’un code de bonne conduite non coercitif.

La patron de PSA, Carlos Tavares, et le président de la République, François Hollande, le 27 mars 2015, à Trémery (Moselle). (Photo Jean-Christophe Verhaegen. AFP)
Publié le 02/05/2016 à 20h31

Quand il s’agit de rémunération patronale, Emmanuel Macron, pourtant le plus bavard des ministres, n’a curieusement plus grand-chose à dire. Le locataire de Bercy, pourtant légitime à donner son avis sur le sujet au moins dans les entreprises où l’Etat est actionnaire, ne s’offusque de rien en la matière. Ou si discrètement…

A plusieurs reprises pourtant ces derniers mois, les augmentations octroyées aux grands patrons (à Carlos Ghosn chez Renault, à Alexandre de Juniac chez Air France), les primes de départ ou d'arrivée en forme de jackpot comme celles touchées par Michel Combes (ex-Alcatel Lucent aujourd'hui patron de SFR, l'entreprise propriétaire de Libération), Patrick Kron (Alstom) ou Olivier Brandicourt (Sanofi) sont venus remémorer aux électeurs les engagements non tenus de François Hollande. Dans les promesses de campagne du candidat socialiste figuraient le plafonnement des rémunérations des patrons des entreprises publiques, mais aussi l'introduction de représentants des salariés dans les comités de rémunération des grandes entreprises. L'objectif réitéré début 2013 par le chef de l'Etat était alors clairement d'encadrer des rémunérations patronales, parfois «indécentes». Une ambition rapidement recalibrée. Seules les rémunérations des dirigeants d'entreprise publique ont été effectivement plafonnées (à 450 000 euros) par la loi. Dès le 23 mai 2013, l'ancien ministre de l'Economie Pierre Moscovici a en effet acté la non-généralisation de cette contrainte législative au privé, en contrepartie «d'un renforcement ambitieux du code de gouvernance» des instances patronales, le Medef et l'Afep (Association française des entreprises privées). Lequel s'est résumé à soumettre au vote des assemblées générales, à titre consultatif, une partie des émoluments des top managers (le fameux «say and pay»). Néanmoins, depuis la loi Rebsamen d'août 2015, des représentants des salariés siègent au conseil des groupes de plus de 1 000 salariés, mais rarement dans leur comité de rémunération.

La création d’un Haut Comité de gouvernement d’entreprise, gardien du respect du code Afep-Medef, a tout du moins permis de limiter des primes injustifiées. Mais encore faut-il qu’il soit saisi… Avec les incidents de ces derniers jours chez Renault, preuve est désormais faite que même lorsque les actionnaires manifestent leur désapprobation, rien ne change… Jusqu’à présent, l’exécutif a choisi de regarder ailleurs, bien plus préoccupé de déclarer son «amour» aux entreprises et de leur en donner des preuves : la loi Macron, adoptée en juillet 2015, a assoupli sensiblement le régime fiscal d’attribution des actions gratuites, outil pour les start-up mais gourmandise pour le CAC 40…

Les protestations n’émanent plus seulement de la société civile mais des actionnaires eux-mêmes : à l’instar de Proxinvest, cabinet de conseil aux investisseurs, ils sont de plus en plus nombreux à militer pour que le législateur oblige les entreprises françaises à soumettre à l’approbation formelle des assemblées générales leur politique de rémunération avant leur entrée en application. Quand la raison économique vient en renfort de la protestation morale, le silence peut finir par devenir coupable.

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