La partie s'annonce houleuse. Ce mardi, le projet de loi «visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs» arrive à l'Assemblée nationale. Les députés auront deux semaines, avant le vote prévu le 17 mai, pour passer à la moulinette le texte porté par la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Deux semaines au cours desquelles la réforme controversée du code du travail - déjà modifiée par le gouvernement sous la pression de la rue puis par la commission des affaires sociales, début avril - devrait connaître encore des rebondissements. En témoigne le nombre d'amendements, près de 5 000, déposés par les députés.
Où en est le texte ?
La commission des affaires sociales a quelque peu revu le projet de loi, tentant de répondre aux attentes des uns et des autres. Des gestes ont ainsi été faits pour les salariés. En cas de refus des «accords offensifs» visant à «préserver ou développer l'emploi», les employés d'une entreprise ne feront plus, comme initialement prévu, l'objet d'un licenciement pour motif personnel mais d'un «licenciement individuel pour motif économique». De quoi apporter du baume aux opposants du texte, même si les points de désaccord restent nombreux. La commission a par ailleurs accordé de nouveaux droits sociaux aux travailleurs des plateformes collaboratives.
Côté employeurs, elle a aussi concédé un assouplissement des règles du licenciement économique pour les TPE-PME. Dans la nouvelle version, les difficultés économiques s’apprécient en fonction de la taille des entreprises. Pour les sociétés de moins de 11 salariés, une baisse du chiffre d’affaires au moins égale à un trimestre est suffisante, quand il en faut deux consécutifs pour celles de 11 à moins de 50 salariés, trois pour les 50 à moins de 300 salariés, et quatre au-delà.
En revanche, la commission n’a pas touché au périmètre d’appréciation des difficultés économiques d’une entreprise. Le projet de loi prévoit que seules les sociétés du territoire français d’un groupe international sont prises en compte en cas de difficultés. Un point très critiqué par les anti-loi travail, qui craignent que cela ne permette à des groupes d’organiser de «fausses» difficultés.
Qu’en dit le rapporteur ?
Plus qu'une révolution, Christophe Sirugue mise sur la «clarification» de plusieurs points du texte. A commencer par l'épineux périmètre d'appréciation des difficultés économiques. Pas question pour l'élu de le laisser au niveau français. «Nous allons bouger» sur ce point, promet-il. Les députés PS envisagent de le porter «au niveau européen ou international». Le rapporteur pourrait aussi encourager une modification du référendum d'entreprise, autre point dur de la contestation, sur lequel il se dit «très réservé». Même chose pour les «accords offensifs», dont il pourrait faire bouger les curseurs. Ou encore sur la question du rôle des branches qui doivent, selon lui, garder «un œil» sur les accords d'entreprise. Ceci pour éviter tout dumping social. Mais il reste toutefois prudent, précisant qu'en aucun cas cela ne doit perturber le fondement de la loi, soit la «mise en avant de l'accord d'entreprise».
Quid des amendements déposés ?
Sans surprise, ils vont dans tous les sens, laissant présager de longs débats dans l'hémicycle. Pêle-mêle, citons le retour du «contrat de travail unique» porté par Frédéric Lefebvre (LR), la proposition de Nathalie Kosciusko-Morizet (LR) de «supprimer la durée légale du travail», celle du frondeur Benoît Hamon de réintroduire le «principe de faveur» (soit «l'application de la norme la plus favorable au salarié»), ou encore la foule d'amendements de suppression de plusieurs articles, rédigés par l'aile gauche de l'hémicycle au nom du refus de l'inversion de la hiérarchie des normes.
Quant au gouvernement, il a promis de déposer un amendement sur la surtaxation des CDD pour favoriser les CDI. Ce qui ne manquera pas de faire débat et d’agacer le patronat. D’autant que Sirugue y est peu favorable.