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Présidentielle

Hollande : «Dans quel pays d’Europe y a-t-il eu autant d’avancées sociales ?»

Lors d’un discours devant la Fondation Jean Jaurès sur «la gauche et le pouvoir», le chef de l’Etat a défendu sa méthode, le «compromis», et avance un premier pion vers 2017.

François Hollande au colloque «la gauche et le pouvoir» organisé, ce mardi à Paris, par la Fondation Jean-Jaurès. (Photo Laurent Troude pour «Libération»)
Publié le 03/05/2016 à 16h44

Une première grande explication. Sur la scène du théâtre du Rond-Point, François Hollande est venu ce mardi midi parler de «La gauche et le pouvoir». Mais en guise de conclusion de ce colloque organisé par la Fondation Jean-Jaurès et le think tank proche du PS, Terra Nova, le président de la République a prononcé un discours aux airs de mise en route électorale. En défense de ce qu'il a fait depuis qu'il est à l'Elysée (mais pas que) : «La récompense, elle ne sera pas dans l'Histoire, la récompense, elle sera dans l'avenir», affirme-t-il en conclusion. Signe qu'il n'a pas renoncé à 2017 malgré une cote de popularité toujours catastrophique.

Certes, pour l'heure, Hollande reste président de la République. Et il s'agit, avant de se lancer dans la course à sa réélection, de répondre aux procès en trahison dont il fait l'objet par une partie de ses électeurs de 2012. A ceux qui l'accusent de ne pas avoir respecté ses promesses, le chef de l'Etat se tient «prêt à cet exercice» du bilan, même si «on jugera toujours plus importante» la promesse «qui n'a pas été réalisée», regrette-t-il. «Il reste encore un an pour y parvenir !» plaisante Hollande, déclenchant les rires d'un parterre conquis d'avance, composé de socialistes et sympathisants PS au premier rang desquels on retrouve le Premier ministre, Manuel Valls.

«Une politique en faveur des travailleurs et des entrepreneurs»

Alors le Président attaque cette revue d'effectif de ses propres réformes. En rappelant d'abord les «grandes difficultés» que la gauche a rencontrées à chaque fois qu'elle a accédé au pouvoir : la crise et la guerre en 1936, la crise (encore) en 1981, 1997 et 2012. «La gauche n'a jamais accédé au pouvoir par une mer de tranquillité, sous un ciel de sérénité», débute Hollande, désireux de ranger son action dans la lignée de celles de Léon Blum, François Mitterrand et Lionel Jospin. «Ce n'est pas parce que la gauche est au pouvoir que c'est difficile, c'est parce que c'est difficile que la gauche est au pouvoir», estime-t-il. En concédant ensuite des erreurs d'appréciation. Sur la crise de la zone euro qui, «c'est vrai, je le concède» assume Hollande, «a duré plus que ce que je l'avais imaginé». Ou bien sur ses «prévisions de croissance» qui n'«ont été nulle part vérifiées».

En revanche, poursuit le chef de l'Etat, il ne s'était «pas trompé sur le diagnostic». «Il fallait d'abord redresser avant de redistribuer», rappelle-t-il avant de rétorquer à une opposition de droite qui dénonce les «cadeaux préélectoraux» aux instituteurs, fonctionnaires, jeunes : «Je vois même maintenant que certains me reprochent de le faire […] Nous avons pris la direction d'une France accablée de déficits.» Hollande confirme ainsi qu'il inscrira, «pour les plus modestes», de nouvelles baisses d'impôts dans la prochaine loi de finances, «en fonction des marges et seulement en fonction des marges dont nous pourrons disposer». Et à sa gauche qui n'accepte toujours pas les baisses de cotisations sociales accordées aux entreprises, il explique qu'il s'agit «non pas de je ne sais quel cadeau au patronat, mais d'une politique en faveur des travailleurs et des entrepreneurs».

«Demain nous irons beaucoup plus loin»

Le chef de l'Etat martèle aussi ce qu'il veut laisser comme trace de son passage élyséen : la méthode du «compromis». «Je n'ose pas dire la synthèse, le mot est galvaudé», ironise-t-il de nouveau. «Ce que nous construisons, pas à pas, pierre après pierre, c'est un nouveau compromis, dynamique et juste, insiste Hollande. Le compromis, ce n'est pas un subtil équilibre […] un médiocre point moyen […] C'est tenir son axe avec ténacité, suivre son cap avec solidité et convaincre avec sincérité.» Tout y passe : ses trois réformes sur le travail, la nouvelle carte des régions, la «refondation de l'école», l'égalité homme-femme, l'accès à la santé, l'accord de Paris et ses «traductions» futures dans la loi française, de «nouveaux droits» (fin de vie, mariage pour tous, accès gratuit à l'IVG…). «La gauche, c'est toujours des droits nouveaux, pour tous, pour vivre mieux», affiche-t-il. Il défend au passage la loi travail qui arrive à l'Assemblée ce mardi : «C'est un compromis dynamique et juste […] un texte de progrès […] qui a trouvé justement le sens qui, à un moment, a pu lui manquer.»

Puis Hollande répond un à un aux reproches qu'une partie de la gauche peut lui faire. «Avons-nous renoncé à la réforme fiscale ?» interroge-t-il. Il décline ses mesures, passant souvent un peu vite sur le fait que les projets de loi de départ ont petit à petit été vidés de certains contenus : «revenus du capital taxés comme les revenus du travail», «niches fiscales plafonnées», «prélèvement à la source engagé», «prime d'activité»… «Avons-nous renoncé à maîtriser la finance ?» poursuit-il. Il continue d'énumérer ce qui a été fait par ses gouvernements successifs : «union bancaire européenne», «loi de séparation» entre les banques, «plafonn[ement] des bonus» même si, ajoute Hollande, «il me semble qu'il y a encore à faire». «Nous avons fait reculer le secret bancaire, jure le chef de l'Etat. Demain nous irons beaucoup plus loin pour protéger les lanceurs d'alerte.» «Avons-nous sacrifié la jeunesse ? termine-t-il. C'est pour elle que nous avons assaini les comptes publics. C'est pour elle que nous avons fait en sorte que plus d'étudiants puissent étudier.»

«Aucun droit n’a été amoindri»

Sur le front international, le chef de l'Etat justifie les interventions militaires, parce que la gauche, selon lui, «dans ces périodes-là, elle doit avoir aussi le courage d'accomplir sa mission sans trembler […] Utiliser la force pour préserver la paix». «Ce que [la gauche] découvre à chaque période, insiste-t-il, c'est que l'histoire est tragique. La gauche rêve d'harmonie, de concorde, de paix […] Elle doit être prête à affronter l'imprévisible comme l'effroyable.» Il promet également des propositions pour relancer l'Europe «au lendemain du vote du peuple britannique» et dit «non», «à ce stade», au projet de traité de libre-échange transatlantique.

Alors «oui», assume Hollande, «aucun droit n'a été amoindri. Aucune protection n'a été affaiblie». Là est la ligne que le chef de l'Etat compte tenir dans la longue route qui le mènera à 2017 : il a «réformé», «sans toucher au modèle social». «Dans quel pays d'Europe y a-t-il eu autant d'avancées sociales ?» lance-t-il, sous-entendant qu'il n'y en a pas d'autres que la France. «Tout n'a pas été sauvegardé comme s'il fallait mettre sous cloche. Nous avons fait respirer» le modèle social français. «Rien ne remplace l'acte de gouverner, brandit-il à l'adresse d'une gauche restée en dehors du gouvernement. On ne change pas l'Europe, on ne change pas le monde, on ne change pas la France en restant à sa place.» Un peu plus tôt dans son discours, Hollande avait déjà mis en garde ceux qui ont, selon lui, le «curieux comportement d'être toujours dans une forme de nostalgie par rapport à l'Histoire et jamais dans une volonté de conquête par rapport à l'avenir». «La gauche est souvent belle, ravissante même sous la droite, mais où est-elle ? Que fait-elle ? Que produit-elle ?» critique Hollande. Manière, pour le chef de l'Etat d'installer petit à petit l'idée à gauche qu'il se posera, en 2017, comme la seule alternative pour empêcher le retour de la droite. Ou l'arrivée de l'extrême droite.