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Libération
Billet

Le PS et les Français : image de marques

L’opération de com du Parti socialiste, déconnectée du réel, représente les citoyens comme le ferait une publicité de supermarché.

L'une des cartes postales distribuées par le Parti socialiste. (Photo PS)
Publié le 03/05/2016 à 20h31

Il est toujours troublant de voir comment un Etat ou un parti cherche à capter l’attention des citoyens en les représentant par des images censées procurer, outre une forme de reconnaissance, un sentiment narcissique de plaisir. Puisque le message se veut positif, qu’on essaye de nous faire comprendre qu’au miroir de la gauche de gouvernement, si dépréciée dans les sondages et malmenée à longueur de Nuits debouts, le pays et les Français vont mieux. Le choix des photos a volontairement consisté à ne pas en faire trop, à puiser dans un registre normcore avec gens toujours propres qui sourient, lèvent les pouces en signe de victoire, des images de quartiers résidentiels déserts mais clean, des machines flambant neuves, des cartons d’emménagement pas raturés ni écornés, du matériel scolaire pas encore utilisé, comme si la rentrée n’avait pas eu lieu…

Ce monde aseptisé est évidemment une création de com de faible intensité, un antiglamour concerté (pour faire sérieux) mais tout aussi factice que n'importe quelle pub pour parfum ou sac en croco. Ce déploiement de saynètes en rappelle un autre, martelé en début d'année par le groupe Carrefour avec le slogan «j'optimisme». Dans le clip, un enfant horripilant disait un texte dopé aux smileys : «Je suis l'optimisme. Grâce à moi les hommes et les femmes vivent mieux, et en meilleure santé. Sans moi, leur avenir s'assombrit. Mais si j'éclaire la route. Ils s'y aventurent, et ils tentent leur chance.»

Il est amusant de confronter ces deux opérations de publicité avec le dernier film de Raymond Depardon, les Habitants, à l'affiche depuis une semaine. En effet, des Français de toutes régions, origines et couleurs y expriment, dans le cadre enchanteur d'une vieille caravane transformée en confessionnal, leurs espoirs et incertitudes. Trois régimes d'image, trois France et à chaque fois une multitude de vignettes : la carte postale socialiste, la pub de l'hypermarché et le film du vieux routier du documentaire. Ce dernier est celui qui met le plus ouvertement en place un dispositif pour attraper (un peu) de réel. Les deux autres, au contraire, travaillent à dissimuler la manière dont ils inventent ce réel de toutes pièces.