Que serait une provocation si elle passait inaperçue ? De ce point de vue, l'initiative du très droitier syndicat de police Alliance a fait mouche. «Halte à la haine antiflics», «Non a (sic) la stigmatisation !» lance en bleu, blanc, rouge son affichette appelant au rassemblement place de la République et dans toutes les régions de France le 18 mai. Jeudi, l'initiative monopolisait les conversations sur la place et les prises de parole à l'AG de Nuit Debout, reflétant la diversité des profils des noctambules. Christian, véhément : «Le rassemblement d'Alliance est assez violent et injurieux pour nous quand on connaît le contexte de violences policières. C'est un syndicat de fachos. Doit-on les laisser faire ? Je propose un rassemblement dès le matin à 10 heures puis un envahissement de la place pour les empêcher de tenir le leur.» Une femme propose une solution un peu moins radicale : «Il faut qu'on se rassemble dans la paix, sans violence, qu'on n'entre pas dans leur jeu. Il y a des manières de résister pacifiquement sans leur jeter des pavés, par exemple en remplissant des œufs de peinture et en les lançant sur leurs casques et boucliers. Comme ça, ils ne verront plus rien.» Une autre suggère de quitter la place en «signe de deuil». A l'opposé, Damien voudrait l'occuper massivement : «La venue d'Alliance reflète une volonté de casser le mouvement Nuit Debout, de faire place nette avant l'Euro de foot. Ce jour-là, il faut qu'on soit 1 000, 2 000 personnes. Ils sont là pour nous provoquer. Ils veulent qu'on soit là pour nous matraquer, et si on est que 200, ça va être un bain de sang.»
Le syndicat Unsa Police a lui aussi appelé à manifester le 18 mai «pour dire non à la haine», taclant au passage «l'irresponsabilité de la CGT, avec ses affiches aussi stupides qu'infamantes [qui] donnent une légitimité aux exactions commises par les casseurs» . La tension entre forces de l'ordre et manifestants s'est exacerbée ces dernières semaines, avec des affrontements plus nombreux et une multiplication des témoignages de violences policières. Les deux affiches de la CGT Publicis, appelant à la fin de la répression avec un graphisme sanglant, sont restées en travers de la gorge de bien des fonctionnaires de police et de leurs représentants syndicaux. Le 18, l'ambiance risque d'être particulièrement électrique. Le collectif Urgence Notre Police Assassine, qui réunit des familles de victimes, a lancé un contre-appel à manifester le même jour place de la République, mais une heure avant le rassemblement d'Alliance «pour dénoncer ceux qui dénoncent la dénonciation des violences policières».