Menu
Libération
Billet

Romain Caillet écarté de BFMTV : quel gâchis!

Quel dommage pour la chaîne de se passer d’une telle expertise. D’autant que derrière, nous risquons le grand retour des experts autoproclamés.

(Photo DR)
Publié le 06/05/2016 à 19h18

En écartant Romain Caillet, son tout nouveau «monsieur jihadisme», sur l'autel d'un passé supposément trouble, BFMTV (dont SFR, propriétaire de Libération, est actionnaire à 49%) a réussi à torpiller une des rares compétences que la télévision offrait sur le sujet. Dommage pour une chaîne d'information que de se priver de l'un des meilleurs connaisseurs d'un phénomène si polymorphe et mystérieux que le jihadisme. Dans son communiqué, la chaîne justifie cette fin de collaboration ainsi: «Romain Caillet n'a pas jugé utile de préciser à la chaîne un certain nombre d'éléments importants de son passé, liés directement aux questions qu'il devait évoquer à l'antenne.» Ce qu'a caché Romain Caillet, c'est une garde à vue dans les locaux de la sous-direction antiterroriste de la PJ en 2008. A l'époque, le Français est établi au Caire et reconnaît «une aventure intellectuelle, une curiosité» avec les thèses du jihad politique. Les services antiterroristes désiraient notamment l'entendre sur une discussion MSN avec un proche des frères Clain, dixit l'intéressé. Mais de poursuites judiciaires, il n'y aura jamais. Caillet récoltera une fiche «S», ces documents de surveillance, non inscrit au casier judiciaire, qui n'engagent aucune mesure coercitive.

En décidant de l'évincer, BFMTV, première chaîne d'info de France, incarne une quête hygiéniste des médias. Faut-il tout avouer à son employeur, même les affres d'un passé révolu ? N'est-ce pas le savoir qui doit en tout point primer ? L'homme, dont la pratique religieuse rigoriste est notoire et qui reconnaît lui-même ses égarements, n'est-il pas plus riche de connaissances sur le jihad qu'il en a, lui, côtoyé durant de longs mois les principaux acteurs ? Oui, Romain Caillet est l'un des rares spécialistes français à dialoguer avec les hommes composant les katiba jihadistes, à saisir un engagement radical qui électrise jusque dans les sphères universitaires. Quel dommage pour BFMTV de se passer d'une telle expertise, au motif d'échapper à une polémique d'au moins 36 heures ! D'autant que derrière, nous risquons le grand retour des experts autoproclamés. Roland Jacquard, seul membre de son Observatoire international du terrorisme. Mohamed Sifaoui, pour qui il suffit de prononcer le mot «islamiste» pour envelopper d'assurance de monstrueuses sottises. Ou encore le divin Samuel Laurent, que Libé avait rhabillé pour quelques hivers il y a plusieurs mois. Bigre, c'est qu'ils commençaient à nous manquer !