Menu
Libération

Contrat de travail, 35 heures, dialogue social : réforme du travail de la droite

publié le 11 mai 2016 à 20h31
(mis à jour le 11 mai 2016 à 20h36)

Contrat de travail. Des CDI pensés pour ne pas durer

Haro sur le contrat de travail. Pour Alain Juppé comme pour François Fillon, c'est dans la rigidité du contrat qui lie le salarié à son employeur qu'il faut chercher une des causes majeures du chômage de masse. Dans la bouche du premier, cela donnait mardi soir : «On empêche les Français de travailler avec un contrat de travail trop rigide. Je veux l'assouplir.» Pour y arriver, les deux candidats à la primaire de la droite s'accordent sur la recette : «Sécuriser les conditions de rupture du CDI en inscrivant dans le contrat de travail, des motifs prédéterminés de rupture.»

Ultralibérale, l’idée sort directement des fourneaux de la CGPME, qui lui avait donné le nom très alléchant de «contrat de croissance» : en clair, il s’agirait pour l’employeur de préciser dès la signature du contrat de travail tous les cas d’interruption automatique de ce dernier (diminution du résultat de l’entreprise sur plusieurs trimestres, baisse de parts de marché, perte de contrat… etc.). Qu’un de ces risques se concrétise, et le licenciement deviendrait immédiat, simple, et non contestable devant les prud’hommes. Ni Juppé, ni Fillon ne s’appesantissent sur la faisabilité juridique douteuse de ce type de contrat. Et moins encore sur la précarisation des salariés qui en résulterait.

Même Nicolas Sarkozy n'a pas osé. S'il entend lui aussi donner plus de souplesse aux entreprises pour leur permettre de s'adapter à la conjoncture, le président des Républicains a - jusqu'à présent - privilégié des solutions plus classiques, comme l'élargissement des motifs permettant de procéder à des licenciements économiques, «y compris pour réorganiser l'entreprise quand il est encore temps», avait-il précisé.

Sur ce point, le gouvernement de Manuel Valls ne peut pas vraiment lui jeter la pierre : même très amendé, le projet de loi El Khomri prévoit lui aussi d’assouplir les conditions du licenciement économique (en fonction de la baisse du chiffre d’affaires ou des résultats, couplée à la taille des entreprises).

35 heures aux oubliettes

Sans surprise, les quatre principaux candidats de la primaire à droite ont les 35 heures dans le nez. Et prévoient, à des degrés divers, de passer la mesure phare de Lionel Jospin à la moulinette. Pour le favori d'entre eux, Alain Juppé, qui est aussi le moins imprécis sur la façon de procéder, «la durée légale de 35 heures sera supprimée» et «ce sera à chaque entreprise de fixer la durée du travail dont elle a besoin dans le cadre d'une négociation». A défaut d'accord, «la durée pourra être portée 39 heures», a priori payées 39. Pas d'intérêt financier, donc, pour l'entreprise, mais un gain de pouvoir d'achat pour les salariés. Et pour régler le problème de ceux qui font déjà des heures sup, qui ne seront donc plus majorées avec le passage à 39 heures, Juppé invente une usine à gaz qui a toutes les chances d'être censurée par le Conseil constitutionnel : pour eux, et seulement pour eux, le gouvernement, pour compenser, accordera un crédit d'impôt, qu'il chiffre à 2 milliards d'euros. La position de Nicolas Sarkozy n'est pas très éloignée: la sortie des 35 heures sera possible par accord d'entreprise, ou par référendum à l'initiative de l'employeur. Avec compensation salariale, c'est-à-dire 37 heures payées 37 ou encore 39 heures payées 39. Silence, en revanche, pour les salariés qui faisaient des heures sup et qui verront leur revenu baisser. Pour les fonctionnaires, ce sera 37 heures payées 37, et 39 heures pour ceux qui le souhaitent. Plus brutal, François Fillon envisage lui aussi la suppression des 35 heures, par accord d'entreprise. Mais sans préciser si les 39 heures seront payées 39 ou 35. Pour les fonctionnaires, le retour à 39 heures serait compensé, en partie seulement, par des hausses de salaire. Bruno Le Maire, lui, est très imprécis : «Les entreprises disposeront de toute liberté pour négocier leur durée du travail et le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.» Seule certitude : il semble vouloir supprimer toute durée légale.

 Dialogue social. Les syndicats sur la touche

La réforme du dialogue social à droite s'inscrit largement dans la lignée du projet de loi El Khomri. Alain Juppé propose ainsi de faire de l'accord d'entreprise la norme de droit commun, notamment en matière de temps de travail. En cas d'échec des négociations, des référendums d'entreprise pourront être organisés, à l'initiative de l'employeur et d'au moins un syndicat représentatif. Le mandatement syndical dans les PME sera également facilité et des salariés élus pourront négocier des accords (à la place des délégués syndicaux). Petit coup de bambou, au passage, sur les syndicats, avec, pour les représentants des salariés, une limitation à deux mandats consécutifs et un temps syndical qui ne pourra excéder 50 % du temps de travail, afin que les élus «ne perdent pas le contact avec leur métier d'origine».

Programme quasi similaire pour Nicolas Sarkozy, qui souhaite que «la négociation sociale [se déroule] d'abord dans les entreprises, plutôt qu'au niveau de la branche ou du confédéral». Et «quand un accord dans l'entreprise n'est pas possible, ce sont les salariés qui doivent pouvoir trancher par référendum à la majorité simple». Quant aux délégués syndicaux, ils ne seront plus nommés par les fédérations syndicales, mais élus par les salariés.

François Fillon propose également de privilégier le dialogue social au plus près du terrain, en «[refondant] le code du travail sur ce qui relève des normes fondamentales et [en renvoyant] le reste des dispositions à la négociation en entreprise». Et lui aussi entend limiter le temps consacré au mandat syndical à 50 % du temps de travail.

Bruno Le Maire, pour sa part, est plus discret sur le sujet. L'une de ses rares propositions consiste à «ouvrir le premier tour des élections professionnelles [aujourd'hui réservé aux syndicats, ndlr] à tous les salariés qui le souhaitent». Et, au niveau national, à se passer de négociations avec les confédérations sur les grandes réformes.