«Pédés, goudous, réveillez-vous.» Ainsi se concluait, il y a vingt ans, le premier rapport annuel de l'association SOS Homophobie. Les livraisons depuis se sont enchaînées, nourries par une foultitude de témoignages de victimes. Le panorama qui en ressort chaque année n'est certes pas parfaitement scientifique, mais il reste, en l'absence de statistiques des ministères de l'Intérieur et de la Justice, un précieux baromètre.
Epaisse (186 pages), complétée par moult interviews et un suivi de l'actualité, la version 2015 laisse un goût amer. Après un pic de violences lié aux débats sur la loi ouvrant le mariage et l'adoption à tous promulguée en 2013, le calme, enfin, s'est-il installé l'an passé ? Point. Si les témoignages de victimes d'homo-lesbo-bi-transphobie ont chuté de 40 %, 1 318 Français ont encore sollicité l'écoute et le soutien des bénévoles de l'association SOS Homophobie. «Le nombre de témoignages reçus nous replace dans la proportion des chiffres enregistrés de 2006 à 2011, attestant d'une homophobie et d'une transphobie durablement installées», soulignent les auteurs du rapport, avant d'ajouter : «La parole homophobe libérée et médiatisée ces trois dernières années a légitimé une homophobie ordinaire qui s'exprime d'autant plus que les personnes LGBT sont désormais visibles.»
Dans le détail, l'édition 2015 révèle que les violences verbales et les agressions se produisent surtout sur Internet et dans des contextes liés à la vie quotidienne (famille, lieux publics…), frappant des victimes de plus en plus jeunes. Dans le texte, cela donne des aberrations comme cette mère qui lance à sa fille : «Etre gouine, c'est contagieux», ou cet internaute qui en commentaire : «Tu es une erreur de la nature, buveur de sperme.»
Pour les bénévoles de l'association, «en vingt ans, l'homophobie ordinaire, faite essentiellement d'ignorance et de rejet, s'est transformée en refus d'égalité et en violences». En 1996, dans la première édition du rapport, les auteurs espéraient «qu'un jour», leur raison d'exister disparaîtrait. On n'y est pas.