En 1978, quelque 900 membres de la secte de Jim Jones se suicidèrent collectivement dans la jungle du Guyana en avalant un liquide jaune empoisonné distribué par le gourou. La secte de Jim Jones d’aujourd’hui, c’est la gauche française. Et le liquide jaune, c’est la division. Même si la motion de censure prévue par les dissidents de la loi El Khomri n’a pas obtenu le nombre de signatures requis pour voir le jour, la démarche en dit long sur le degré de déchirement qui affecte aujourd’hui la majorité. Le gouvernement porte sa part de responsabilité. En présentant à l’origine un projet qui n’avait pas de soutien syndical et qui comportait des dispositions provocantes, il a mis le feu à son camp. Depuis, la plupart de ces dispositions ont été effacées, au grand dam du patronat.
En revanche, les avancées positives contenues dans le projet - notamment la création du compte personnel d’activité - y figurent toujours. Malgré ces amendements importants, les opposants de l’intérieur ont maintenu leur hostilité, contraignant le gouvernement à recourir à l’article 49.3 de la Constitution, alors même que la CFDT, l’un des principaux syndicats français, a délivré un «nihil obstat» au projet. Cette incapacité à trouver un compromis politique ouvre bien sûr la voie à plusieurs candidatures de la gauche réformiste au premier tour de la présidentielle. En l’absence de primaires - qu’on n’arrive pas à organiser en raison des mêmes divisions -, la gauche se présentera en ordre dispersé au scrutin décisif, scellant du même coup son sort.
Dans ces conditions, on ne voit pas, en effet, ce qui empêchera la droite française de gagner l’élection. Et de mettre en œuvre un programme qui, comme le montre notre enquête, ira largement au-delà du projet El Khomri. Pour ne pas être mouillé par la pluie, on se jette à l’eau. On passe ainsi de Jim Jones à Gribouille.