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Libération
Témoignage

«Tous ces jeunes sont manipulés. Les vrais responsables, eux, sont au chaud»

publié le 11 mai 2016 à 19h41

Fiché S, le fils de Christine, un converti, a quitté la Seine-Saint-Denis pour la Syrie peu après les attentats de «Charlie Hebdo».

«J’ai pu communiquer avec mon fils juste après les attentats du 13 novembre. J’étais à Paris, pas très loin de l’endroit où les gens ont été tués à la terrasse des cafés. J’aurais pu mourir. Je le lui ai dit. Il n’a pas eu de propos haineux envers la France. Mais il dit qu’en Syrie, c’est la guerre. Il s’abrite derrière le fait que la coalition et la France bombardent en Syrie, que tous ceux que la France tuent en Syrie ne sont pas des terroristes mais des civils. J’ai appris, après son départ, qu’il était fiché S. Il a été signalé peu de temps après sa conversion à l’islam. Il était en lien avec Fabien Clain [un converti toulousain devenu un des cadres de l’Etat islamique en Syrie et qui a revendiqué les attentats parisiens, ndlr]. Mon fils n’a jamais eu affaire à la justice. Il a rencontré les mauvaises personnes aux mauvais endroits. Rien n’a été fait pour les arrêter. Après les attentats de Paris et Bruxelles, le comportement de mes proches n’a pas changé. Par contre, je lis et j’entends les commentaires dans les journaux et à la télé. Il y a toujours des abrutis qui disent : "Vous n’aviez qu’à mieux élever vos enfants." Ça n’a rien à voir avec l’éducation. Ces jeunes ont en commun de ne pas se sentir bien dans notre société. Il y a plusieurs profils. Les délinquants qui passent à l’acte en commettant des attentats, et les autres, qui partent en Syrie sans jamais avoir eu de problème avec la justice. J’ai de la compassion pour ces jeunes qui se font sauter. Comment peut-on faire cela à 25 ou 30 ans ? Ils sont manipulés. Les vrais responsables, eux, sont au chaud. Je n’envisage pas un retour de mon fils. Même si, aujourd’hui, il ne combat pas avec l’EI, il sera considéré comme un terroriste. S’il revient, il passera dix ou quinze ans en prison. La société qu’il condamnait et qui ne lui convenait pas n’est pas franchement valorisante.»