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Libération
EDITORIAL

Impopulaires

Publié le 12/05/2016 à 20h21

Il y a une injustice dans l’éviction humiliante dont Dilma Rousseff est la victime. Non seulement ses adversaires traînent probablement bien plus de casseroles à leurs basques que le Parti des travailleurs, dont elle est avec Lula la porte-parole, mais le bilan des gauches sud-américaines au pouvoir n’a rien de déshonorant. En renforçant la participation populaire au jeu démocratique jusque-là confisqué par les militaires ou par l’oligarchie, en s’efforçant d’accompagner la croissance des années 90 et 2000 d’une redistribution conséquente, les leaders de gauche au pouvoir au Brésil, en Uruguay, au Chili ou au Venezuela ont fait sortir de la misère des millions de Sud-Américains jusque-là tenus à l’écart du développement.

Ce qui a manqué ? Probablement les réformes de structure qui auraient libéré ces pays de la dépendance aux matières premières, construit une base industrielle plus forte et posé les fondations d’un véritable Etat social, pérenne et financé de manière plus sûre. C’est souvent le sort des gauches : portées au pouvoir par la crise et les injustices, elles doivent aussi assumer des tâches économiques de redressement qui demandent des efforts impopulaires et dont les résultats sont éloignés dans le temps. La gauche française au pouvoir défend son bilan en arguant, certes dans un pays très différent, de cette ardente nécessité. Cette stratégie, qui déconcerte sa base, ne lui a pas porté chance. L’expérience latino-américaine montre pourtant qu’elle est incontournable.