Après une douzaine de jours d'occupation, la «Maison du peuple», ou salle de la Cité, à Rennes, a été évacuée vendredi matin sans heurts majeurs, ni blessés, comme on pouvait le craindre. Depuis la décision de la ville de Rennes, mercredi, de ne pas prolonger l'autorisation d'occupation de cet ancien fief de la CGT et des Transmusicales, situé dans le centre névralgique de la ville, opposants à la loi El Khomri, précaires, chômeurs et intermittents avaient pris leurs dispositions, barricadant les accès à la salle dans l'attente d'une intervention.
Celle-ci a eu lieu vers 6 heures du matin vendredi avec les grands moyens. Des gendarmes mobiles et une équipe du Raid ont d’abord forcé les barrières métalliques côté rue Saint-Louis pour accéder à la salle. Une cinquantaine de militants ont alors été délogés sans violences.
«On se tenait tous les uns contre les autres et les gendarmes ont dû nous saisir un par un pour nous évacuer, raconte Camille, jeune mère de famille de 24 ans. Mais ça n'a pas été trop violent. Lorsque certains gendarmes ont voulu nous prendre par la tête, nous avons protesté et ça s'est fait plutôt en douceur. Nous sommes sortis en faisant un maximum de bruit et en chantant.»
Mélange bigarré
Pendant ce temps, une vingtaine de militants s'étaient réfugiés sur le toit de la salle de la Cité où des policiers du Raid, suspendus dans une nacelle accrochée à la grue d'un chantier voisin étaient prêts à intervenir. Finalement, la grande échelle des pompiers a pu s'approcher du toit du bâtiment et permettre d'évacuer un à un les derniers militants. L'un d'eux a fait état «de clés de bras pour nous maîtriser» et les forces de l'ordre ont procédé à une interpellation. Après environ trois heures d'opération, la salle de la Cité était vidée de ses derniers occupants et les policiers ont alors repoussé à l'aide de gaz lacrymogènes les quelque 200 manifestants qui s'étaient regroupés dans les rues adjacentes. Vers midi, le quartier était bouclé mais avait retrouvé un certain calme.
Camille, assise à la terrasse d'un café avec son bébé, regrettait toutefois une occupation pacifique et inédite à Rennes, ayant pendant près de deux semaines mobilisé un mélange bigarré d'opposants à la loi travail et autres adeptes de Nuit debout. «C'était génial, lâche la jeune femme, qui s'est occupée plus spécialement de la cantine collective. Il y a toujours eu une très bonne ambiance, avec beaucoup de débats. Sans tapage pour le voisinage et sans que personne ne pose de problème.»
Au lendemain du 1er mai, une bonne centaine de militants en avait fait leur quartier général, multipliant les initiatives : projections de films, concerts, soirées débats, kermesse, assemblées générales et groupes de réflexion autour des thèmes du moment (l'état d'urgence, les violences policières, la loi travail). Le tout relayé par une «radio pirate» diffusant musiques et infos tout au long de la journée. Dès la «Maison du peuple» évacuée, des agents de la ville sont allés inspecter les lieux. Selon la préfecture, une remise en état sera nécessaire en raison de dégradations. Camille, comme beaucoup de militants, ne songeait plus, elle, qu'à récupérer ses biens personnels restés à l'intérieur du bâtiment.