Qui consomme les nouvelles drogues? Une étude, publiée mercredi 11 mai 2016 par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), permet de connaître un peu mieux les amateurs des NPS (nouveaux produits de synthèse), apparus sur le marché il y a une dizaine d'années, des dérivés des drogues classiques comme le cannabis, l'ecstasy ou le LSD.
Malgré les titres régulièrement alarmistes de la presse, la consommation de NPS est marginale. «C'est un phénomène qui a commencé doucement et qui progresse doucement. En tout cas, très largement en deçà des drogues classiques», observe Agnès Cadet-Taïrou, responsable du pôle nouvelles drogues à l'OFDT. «Cela pourrait devenir problématique s'il devient tendance chez les jeunes d'acheter de la drogue sur Internet. L'argent peut servir de garde-fou concernant la cocaïne, mais là, elles sont accessibles et pas chères», conclut le docteur Cadet-Taïrou.
Modifiées régulièrement en laboratoire, ces molécules sont vendues comme des «sels de bain» ou de l'engrais. Leur composition chimique est proche des drogues classiques. Mais ces légères différences chimiques leur permettent d'échapper, un temps, à la réglementation. A tel point que beaucoup ne sont pas répertoriées comme illégales : à peine ces drogues sont-elles identifiées que d'autres arrivent sur le marché. On connaît encore mal leur mode de consommation.
Les résultats de cette étude sont tirés de 607 questionnaires en ligne retenus après une enquête diffusée auprès de populations concernées et ne permettent pas de tirer de conclusions quantitatives. Elle trace le portrait type d’un consommateur de NPS : un homme d’en moyenne 27 ans, diplômé et plutôt urbain.
Première conclusion de l’étude de l’OFDT : les consommateurs de NPS sont, dans leur grande majorité, déjà adeptes de drogues classiques. Contrairement à d’autres pays dans lesquels une étude comparable a été menée, on compte assez peu de consommateurs très jeunes ou mineurs.
Parmi les consommateurs de NPS, la drogue classique la plus prisée est le cannabis, devant les stimulants (ecstasy/MDMA) et les hallucinogènes (LSD, etc.).
Les usagers de NPS les plus âgés sont eux pour la plupart d’anciens consommateurs d’héroïne des années 1980-1990, souvent sous traitement de substitution, qui trouvent un nouvel intérêt dans les opiacés de synthèse.
En revanche, les consommations de nouvelles drogues s’inversent : les hallucinogènes sont les plus consommés, devant les stimulants. Les cannabinoïdes de synthèse représentent une part moindre de la consommation des répondants à l’étude.
Malgré des biais possibles, Agnès Cadet-Taïrou, responsable de l'étude, explique cette inversion parce que «le marché du cannabis est florissant en France, avec des produits relativement purs et de plus en plus d'herbe de cannabis, ce qui limite l'intérêt pour les cannabis de synthèse».
Quand à la prévalence des hallucinogènes, le Dr Cadet-Taïrou l'interprète en partie par «le fort intérêt en France» pour les psychotropes aux effets psychédéliques. Leurs amateurs, les psychonautes, les utilisent plutôt dans un contexte privé, dans une démarche d'introspection. «Contrairement à l'Angleterre, où il y a un public plus jeune qui consomme des stimulants dans un contexte festif, en boîte de nuit ou en free party», compare la responsable de l'étude.
Curiosité
Au-delà d'une démarche de psychonaute, on voit dans l'étude que le premier motif qui décide un consommateur dans le choix de telle ou telle substance est avant tout la curiosité. 82% des répondants ont déclaré que la curiosité était un motif «important» ou «très important» pour choisir le dernier produit qu'ils ont pris.
Une grande partie de ceux qui achètent directement leurs produits sur Internet consultent d'ailleurs les forums spécialisés où bons conseils et mises en garde s'échangent entre habitués. La plupart achètent sur des «RC Shop», des sites où les produits sont vendus sous leur nom chimique, opposés à des sites plus commerciaux où les drogues sont présentées sous des noms tape-à-l'oeil (Spice, Gorilla).
Pour autant, «on ne peut pas en déduire que les utilisateurs sont mieux informés», insiste Agnès Cadet-Taïrou, car la moitié des consommateurs n'achètent pas leur produits sur Internet mais ont recours au deal (ou se font simplement offrir la drogue). Et vu la diversité de l'offre des NPS, les informations des forums sont assez disparates, sauf pour les plus connues.
Dernier point notable, le fait que ces molécules se trouvent dans un flou légal ou qu’elles soient plus difficiles à détecter lors de tests n’apparaissent pas comme des raisons sur lesquelles les consommateurs basent leur choix: moins 30% y accordent de l’importance.